Résumé
Depuis le début des années soixante, dans les pays industrialisés, la ration calorique alimentaire moyenne suffit largement à la couverture des besoins vitaux. Comme de plus l'alimentation est la fonction de consommation la plus nécessaire et que le pouvoir d'achat des ménages a encore progressé ces vingt dernières années, la part du budget des ménages consacrée à l'alimentation décroît constamment. Le changement des modes de vie, qui se manifeste par exemple dans la généralisation du travail féminin et le développement des loisirs, crée de nouveaux besoins autour de la fonction alimentaire : commodité de préparation, rapidité d'utilisation, longue conservation des produits. Les firmes agro-alimentaires sont à l'écoute de ces évolutions : elles proposent aux consommateurs de nouveaux produits incorporant des services et satisfaisant des besoins extra-alimentaires. Dans les quatre pays, on assiste ainsi au déclin des produits les plus simples et les plus nécessaires et à la progression des produits transformés et luxueux. A côté de ces tendances communes qui s'expliquent en partie par l'internationalisation des firmes et l'uniformisation des modes de vie, des évolutions particulières dues à des phénomènes culturels propres à chaque pays demeurent. Elles opposent Europe continentale et pays anglo-saxons. Dans les pays anglo-saxons, la fonction alimentaire est plus saturée et la part des aliments d’origine animale dans l'alimentation diminue au profit des aliments d'origine végétale. Ces tendances sont particulièrement nettes au Royaume-Uni.
Grâce aux ajustements économétriques nous avons mis en évidence, dans chaque pays et pour chaque produit, les facteurs qui déterminent la demande des ménages (cf. tableau 18) ; nous avons distingué deux catégories d'effets et nous les avons séparées. Ce sont :
- Les effets économiques, revenus et prix reconnus par les ajustements.
- Les effets nationaux. Nous concluons à l'existence de tels effets lorsque les facteurs économiques ne suffisent pas à expliquer les évolutions de la demande. La nature de ces effets est diverse : souci diététique, changement de comportement alimentaire... Ces effets sont dits "nationaux" car, pour simplifier, nous supposons que les comportements mal expliqués par des causes économiques dépendent de phénomènes culturels propres à chaque pays.
La suite de cette étude comporte plusieurs pistes de recherche :
D'une part, dans le but de réaliser des prévisions, il est nécessaire de séparer les deux types d'effets. La mise en œuvre de méthodes économétriques sur données de panel (les pays figurant alors les individus) nous permettrait d'atteindre ce premier objectif. Une fois l'existence des effets "nationaux" révélée, il importe d'en préciser la nature. Pour cela, une meilleure connaissance des pays sur le plan économique, culturel et historique s'avère nécessaire. En particulier d'importants événements économiques tels que l'entrée du Royaume-Uni dans le marché commun ont eu une incidence sur la demande des ménages : ils ont entraîné au moins des changements de niveaux des prix.
D'autre part les structures démographiques se déforment lentement. Le vieillissement de la population touche tous les pays développés mais il est particulièrement marqué en République Fédérale Allemande. A-t-il des effets sensibles sur les comportements alimentaires ? Comment les mettre en évidence ? Telles sont les questions auxquelles nous pouvons tenter de répondre.
En dernier lieu, la prise en compte de pays de culture méditerranéenne (Italie, Espagne...) devient utile à ce stade de l'étude. On pressent alors intuitivement que les effets économiques seront d'autant plus facilement séparables des effets nationaux que les modèles culturels et les histoires économiques des pays comparés sont variés. D'ailleurs les méthodes économétriques sur données de panel sont d'autant plus performantes que les pays ont des comportements moyens plus dispersés. Enfin, l'introduction de ces pays permettra de répondre plus précisément à la question de la convergence des modes de consommation alimentaire.
Si les modèles "méditerranéens", allemands, français et anglo-saxons se rapprochent on pourra conclure à l'uniformisation (plus ou moins rapide). Mais, si convergence il y a, est-elle due à un rapprochement des types culturels ou à l'émergence d'un modèle économique international pour l'ensemble des pays industrialisés ? Seule la séparation des effets "nationaux" et économiques permettrait de répondre à cette question.