Résumé
L’image d’une société française « fracturée » revient à intervalles réguliers dans le débat public avec, d’un côté, des individus entrepreneurs d’eux-mêmes, autonomes, dynamiques et sans difficultés particulières et, de l’autre, des personnes « fragiles », publics des politiques sociales enferrés dans un chômage de longue durée, en prise avec des problèmes de santé, etc. L’enquête Conditions de vie et Aspirations du CRÉDOC bat en brèche cette vision dichotomique. Elle montre que les deux tiers de la population se trouvent confrontés à au moins une des six situations de fragilité étudiées dans l’enquête : pauvreté monétaire, handicap ou santé dégradée, relégation territoriale, isolement et solitude, précarité professionnelle, difficultés de logement. Et un tiers fait face à plusieurs de ces difficultés. Il n’existe donc pas d’un côté des personnes autonomes et de l’autre des publics fragiles, mais des moments de vie, des accidents de parcours qui peuvent faire basculer une personne dans une situation où l’écheveau des difficultés devient complexe à démêler. Plutôt que de mettre en place des politiques sociales conçues pour des personnes considérées comme intrinsèquement fragiles, et tenter de réparer ou d’amoindrir les difficultés qu’elles rencontrent, ces résultats invitent à davantage agir en prévention dans une logique d’investissement social qui bénéficiera au plus grand nombre.