Résumé
"La collectivité nationale se doit de respecter la liberté des familles et d'éviter d'imposer des normes". Cette première recommandation du Conseil Economique et Social, réuni en 1981 pour traiter des modes de garde des jeunes enfants, vise à assurer aux parents le libre choix quant à la garde de leur jeune enfant.
Mais de quel choix s'agit-il ?
Tout d'abord, celui des mères de faire garder ou de garder elle-même leur enfant. Ce choix n'est-il cependant pas, dans une certaine mesure, illusoire ?
Certaines mères au foyer ne sont-elles pas contraintes d'abandonner leur activité professionnelle faute d'avoir trouvé une solution de garde correspondant à leurs moyens financiers ou faute tout simplement d'avoir trouvé une solution de garde ? Qui plus est, lorsque le marché du travail est saturé, lorsque la qualification professionnelle est insuffisante ou inadaptée aux emplois proposés, il n'y a pas choix, il y a obligation de rester au foyer.
Lorsque la femme travaille à l'extérieur se pose le problème du choix entre les différentes possibilités de garde : crèche collective, assistante maternelle, personne à domicile,.... Mais là encore, le choix est illusoire. Il est en effet indéniable que les structures organisées ne sont pas en nombre suffisant pour répondre à tous les besoins des parents, même si ces besoins sont, du fait de leur diversité et de leur fluctuation dans le temps, difficiles à appréhender. Toujours est-il que, grosso-modo, les structures organisées ne sont en mesure de ne couvrir qu'environ la moitié des besoins des parents actifs obligés de faire garder leurs enfants en bas âge.
De fait, la recherche d'un mode de garde est souvent perçue de manière négative : on prend celui que l'on trouve et pas toujours, voire pas souvent, celui que l'on aurait souhaité. La pénurie en place d'équipements, la forte disparité locale des infrastructures, l'inégale capacité financière des parents et leurs horaires de travail sont autant de facteurs qui hypothèquent lourdement leur liberté de choix.
Cette absence de liberté peut bien entendu avoir diverses incidences importantes, en particulier sur la natalité. Cette incertitude concernant la garde de l'enfant à venir n'est-elle pas un élément contribuant pour certains parents à ajourner la décision de procréer ?
C'est dire que les problèmes de la garde des jeunes enfants sont un élément pivot de la politique familiale.
C'est dire aussi combien il peut être important d'apprécier et de suivre les opinions des Français et leurs attentes en matière de petite enfance, de cerner leurs besoins et leurs préférences dans ce domaine. Tel est le but de la présente étude, réalisée à la demande de la Caisse Nationale des Allocations Familiales.
Le premier chapitre nous permettra tout d'abord d'avoir une vision globale des opinions et de la connaissance des Français sur la politique menée en matière de petite enfance.
Comment jugent-ils le niveau d'informations mises à la disposition des parents ayant un enfant en bas âge et ont-ils le sentiment d'une carence des équipements existants ? Au regard des résultats, on s'aperçoit que, sur ces deux questions, un consensus se forme et que les insuffisances dans ces domaines sont largement ressenties au sein de la population. Ainsi, plus de 60% des Français estiment insuffisantes les informations mises à la disposition des parents et 80% s'accordent sur la pénurie des équipements (crèches, haltes-garderies...).
Bien entendu, cette carence de l'offre influe fortement sur l'attitude des parents et ce, qu'il s'agisse de leurs pratiques ou des préférences qu'ils peuvent exprimer. Les parents n'intériorisent-ils pas cette carence, non seulement lorsqu'ils font leur choix (par exemple, certains peuvent éliminer d'emblée la crèche car ils pensent que leur demande n'a aucune chance d'aboutir), mais aussi lorsqu'ils reconnaissent une préférence pour tel ou tel mode de garde ?
Ce sont les pratiques et les aspirations des parents en matière de mode de garde que traitera le second chapitre de ce rapport : Quelle est l'importance du recours à chaque mode d'accueil, y compris de ceux qui souvent échappent au contrôle de la collectivité (nourrice non agréée, garde par les grands parents...) ? Ces pratiques correspondent- elles aux préférences exprimées ? Vers quelle solution ces dernières se portent-elles ? L'analyse de l'adéquation ou des décalages entre les pratiques et les préférences permet de mettre en évidence combien la notion de "libre choix" est aujourd'hui loin d'être, pour tous, une véritable réalité.
Enfin, une analyse factorielle suivie d'une classification permettra d'avoir une vision synthétique des résultats (chapitre III).