Résumé
Au terme de cette étude sur les bourses, apparaît l'image d'une prestation contrastée : bien identifiée par les familles bien que multiforme, elle concerne une large population (plus du quart de l'ensemble des élèves des collèges et lycées), mais n'atteint un montant significatif que pour une minorité de familles. Elle fait l'objet de multiples demandes tout en étant jugée insuffisante par la majorité des bénéficiaires.
Si l'attribution de la bourse est perçue comme un droit pour de nombreux bénéficiaires, il est difficile de bien cerner où il prend sa source. Il semblerait pour les parents interrogés, qu'il soit compris comme la conséquence d'une combinaison de faibles ressources et de coûts de scolarité élevés. La bourse s'apparenterait à une mesure d'aide sociale, en lien étroit avec la scolarité des enfants. Cette vision est commune aux parents et aux professionnels de l'Education Nationale. Cependant, si les premiers insistent fréquemment sur l'insuffisance du montant de la prestation, les seconds, moins critiques, soulignent les incohérences d'un système qui a beaucoup évolué, selon une logique dont ils estiment qu'elle n'est pas toujours facile à comprendre.
Autrefois, la bourse n'était servie qu'aux élèves particulièrement méritants, sa perception est aujourd'hui moins conditionnée par les résultats scolaires, mais il demeure un lien inaltérable entre la bourse et la scolarité, pour les élèves n'ayant pas atteint l'âge limite de la scolarité obligatoire. Elle constitue en amont un élément réellement dissuasif aux yeux du personnel scolaire pour prévenir l'absentéisme scolaire. Ce caractère dissuasif est induit par le mode actuel de versement trimestriel. Ce rôle est moins clair pour les élèves ayant atteint cet âge limite. Même si certaines primes ne sont pas attribuées dans le cas de redoublement en second cycle, cela a peu été exprimé dans les discours des familles.
La plupart des parents souhaitent que leurs enfants aillent le plus loin possible dans les études de leur choix et de ce fait dénient généralement tout rôle incitatif à la prestation. Cependant, quelques uns ont affirmé que sans la bourse, cela aurait été très difficile pour eux, surtout au lycée où les frais s'élèvent parfois de manière considérable, heureusement compensés pour certains par des montants de bourse plus conséquents. Aujourd'hui, du fait de la scolarisation à un âge de plus en plus élevé d'un nombre important d'enfants et d'adolescents, l'ensemble des priorités semble s'être déplacé et le rôle décisif de la bourse en matière de choix de poursuite de scolarité serait plus réel dans les formations postbaccalauréat.
Peut-on garder cette appellation de bourse d'études ? En effet, s'il semble souhaitable de garder un lien fort entre bourse et scolarité, il est difficile de considérer que la bourse couvre les frais d'études au sens strict, une bonne partie des bourses actuelles jouant le rôle - du fait du mode de perception indirect - de facteur de réduction des frais associés à la scolarité au sens large (demi- pensionnat et internat). Cette utilisation est induite par le mode de gestion actuel des établissements, qui fréquemment déduisent le montant de la bourse des factures adressées aux familles. Cela garantit une utilisation effective de la prestation en faveur des enfants et contribue à éviter une partie de l'éventuel contentieux lié au règlement de ces factures. Cependant, certains professionnels de l'Education Nationale ont estimé que la prestation s'en trouvait en quelque sorte dénaturée. Les familles sont plutôt favorables à ce mode de perception, jugeant qu'il apporte un avantage directement sensible à la gestion de leur budget.
La gestion des bourses scolaires doit-elle demeurer la tâche des services de l'Éducation Nationale ? Cette question a été explicitement posée aux familles interrogées comme au personnel scolaire et la réponse est un "oui" assez massif.
La question a fréquemment été jugée incongrue par les parents interrogés : la bourse scolaire doit être gérée par l'école dans la mesure où elle est la mieux placée pour juger les situations en rapport avec la scolarité de l'enfant. Dans certains cas, ils soulignaient la relative facilité actuelle des démarches à réaliser, qui place la bourse parmi les prestations les moins coûteuses en temps et énergie consacrées à son obtention. Transférer la gestion à une autre institution risquerait selon ces derniers de complexifier ces démarches. Dans le cas où les familles interrogées se sont penchées plus précisément sur cette éventualité, elles n'y voyaient qu'un avantage potentiel : celui d'améliorer l'examen de la situation sociale des individus, ce qui contribuerait à une plus grande justice dans les décisions d'attribution.
Les professionnels de l'Éducation Nationale déclinent un peu les mêmes arguments. D'une part, il leur semble avoir acquis une expérience dans le domaine, qui aboutit à des améliorations notables du système d'information auprès des familles et dans le fonctionnement général. D'autre part, sur la base du lien existant entre bourse et scolarité, il leur paraît absurde de déplacer la responsabilité de cette gestion, ce qui induirait des échanges assez lourds entre l'institution qui la prendrait en charge à leur place et les établissements de l'Éducation Nationale. En outre, la bourse constitue à leurs yeux un instrument d'aide au règlement des frais associés à la scolarité et apparaît donc particulièrement précieux dans le cadre de leurs relations avec les familles boursières. Ils concèdent cependant que cette gestion est assez lourde - elle est d'ailleurs rarement jugée attractive par les personnels des services des Inspections Académiques - et qu'elle s'inscrit dans le champ du social, qui n'est pas a priori le domaine où le personnel de l'Éducation Nationale se juge le plus qualifié.
Enfin est-il souhaitable d'envisager une clarification de l'ensemble du système des bourses ? En effet, si le calcul du montant de la bourse paraît assez simple pour les élèves des collèges, au niveau des lycées - par les multiples adjonctions de primes - il est de plus en plus difficile d'évaluer rapidement la bourse que pourra percevoir un adolescent. Les familles interrogées ne comprennent guère les différences de montants existantes et le personnel scolaire admet qu'il n'est pas aisé de se repérer dans l'ensemble. Cependant, si le souci de clarification est exprimé par les familles, dans le cadre des échanges avec le personnel scolaire il est apparu que s'il était souhaitable - d'un point de vue pratique - de conférer plus de lisibilité à l'ensemble du système, de nombreux cas d'exception rendent la tâche très ardue. D'autre part, une trop forte simplification irait à l'encontre d'une tendance actuelle visant à individualiser les cursus, même si on note que l'effet de la bourse semble peu incitatif en matière de choix d'orientation scolaire.
Les multiples aménagements ayant marqué le système des bourses ont contribué à en faire une construction baroque, où la logique parfois se perd. On a cité en exemple le cas des poursuites de scolarité en vue d'un baccalauréat professionnel : des élèves réintégrant une classe de première après avoir obtenu leur BEP ont une bourse qui dans certains cas peut se trouver considérablement diminuée. Il serait judicieux de relire l'ensemble du système de manière à mettre en parallèle cursus scolaire et évolution du montant de la bourse. Sans pour autant revenir à une logique de bourse affectée au mérite, il conviendrait du moins de ne pas "sanctionner" indirectement les élèves boursiers ayant choisi de reprendre une formation plus qualifiante, encouragé notamment par l'ensemble de l'environnement scolaire. Ces trajectoires peu fréquentes autrefois tendent aujourd'hui à se multiplier par la création de passerelles multiples, le système des bourses doit le considérer.