Résumé
Historiquement liée à l'émergence de l'individualisme, la notion d'autonomie resitue l'individu au centre de ses choix. On attend désormais de tout un chacun qu'il se rende maître de son destin, qu'il trouve sa voie, qu'il soit autonome. Les personnes en difficulté sociale ne font pas exception à cette demande. Toutefois, même si la notion est courante, son approche reste délicate et sa définition mal cernée.
Ce cahier de recherche a donc deux objectifs. Le premier objectif revoit la signification de l'autonomie pour des publics en difficulté, ici représentés part les allocataires du RMI. Le second consiste à comprendre quelle est la forme concrète que peut revêtir la prise d'autonomie de ces allocataires. Il s'agit ici d'appréhender les pratiques des professionnels qui concourent à cette prise d'autonomie, ainsi que les obstacles auxquels ils se heurtent.
Plusieurs méthodes ont été mises au service de cette recherche.
- Un retraitement des évaluations du RMI réalisées par le CRÉDOC via l'utilisation des questionnaires réalisés auprès des allocataires et de l'analyse des contrats d'insertion ;
- Une investigation spécifique via une analyse des Plans Départementaux d'Insertion et une interrogation de 60 travailleurs sociaux.
Le cahier de recherche montre que dans le champ scientifique comme dans les définitions proposées par les travailleurs sociaux, la notion d'autonomie revêt un caractère éminemment polysémique, dont le sens est lié au contexte d'utilisation. La position d'acteur, de maîtrise du destin, revient toutefois fréquemment dans les discours.
Face à cette définition, les pratiques idéales du travail social consisteraient à respecter le principe de non-directivité, à laisser faire les allocataires, éventuellement en les guidant dans leurs démarches, afin de leur apprendre à retrouver leur liberté d'action. En pratique, les contraintes matérielles, institutionnelles, sociales et liées aux usagers et aux représentations sociales ne permettent pas de telles méthodes. Les méthodes employées sont alors plus ou moins directives, de la simple orientation à l'imposition.
Ces constats rappellent les critiques classiques du travail social, accusé d'assurer la reproduction de rapports sociaux inégalitaires en imposant les normes dominantes à une population qui n'est pas en mesure de s'y opposer. En outre, ils soulignent l'injonction paradoxale du travail social : "rendre" quelqu'un autonome.