Résumé
Spécifique à la France contemporaine, la catégorie des cadres n'a pas véritablement d'équivalent dans d'autres pays industriels. Ce groupe, émergeant dans les années d'entre deux guerres, est le reflet d'une structure économique et politique partagée entre fonction publique et secteur privé. En ce sens, l'apparition de la catégorie est révélatrice de l'importance du rôle joué par l'Etat dans la vie économique française. Le regroupement, dans un même ensemble, des ingénieurs et des membres des corps d'Etat témoigne de cette genèse administrative et économique.
Mais si ses frontières incertaines confèrent une grande force d'attraction au groupe, elles lui transmettent, dans le même temps, une fragilité consubstantielle et durable. Ainsi durant les trente dernières années, le groupe des cadres a pu successivement être décrit comme un "nouveau tiers-état", un "nouveau prolétariat", des "salariés bourgeois" ou des "managers jetables".
L'objet de ce rapport est précisément de vérifier si la catégorie des cadres constitue en France, à la fin de la décennie 1990-2000, un groupe social cohérent et homogène par rapport au reste de la population. Plus précisément, nous cherchons à répondre à trois questions principales :
En quoi les cadres se différencient-ils, selon les critères socio-démographiques, des autres actifs ?
Ce groupe est-il vraiment homogène ? Ou n'est-il pas plutôt composé de sous-catégories foncièrement différentes entre elles, qui font en réalité "exploser" la cohérence apparente de l'ensemble ?
Enfin, malgré l'existence des différentes sous-catégories composant le groupe, son homogénéité ne tient-elle pas dans une façon toute particulière, une manière spécifique, de "voir la société" ? Faute d'une homogénéité socio-démographique évidente, le groupe ne se définirait-il pas par des attitudes ou des opinions précises, caractéristiques d'une appartenance à une même "famille de pensée" ?