Résumé
La caisse Nationale d'Assurance Maladie et l'Institut National de la Consommation ont chargé le Crédoc, sur fond de crise latente du système, de réaliser une étude visant à "jauger" les connaissances des Français sur leur système de santé. Un questionnaire d'une vingtaine de minutes a été soumis par téléphone en juillet à 1010 personnes représentatives de la population. Différents thèmes ont été abordés, portant sur les dépenses, les cotisations, les remboursements, la médecine de ville et l'hôpital, l'organisation du système, l’information sur le système. Il était également demandé aux interviewés, notamment au travers d'une question ouverte de porter un jugement sur le système français.
En matière de connaissance dans ce domaine, il semblerait que homogénéité soit de mise. Les réponses apportées tout au long du questionnaire se différencient assez peu d'une population à une autre. Seul le critère de l'âge apparaît un peu plus discriminant. Pour schématiser, les jeunes sont plus ignorants que leurs aînés ou plutôt leurs grands aînés puisque c'est au-delà de 55 ans que s'affirme une moindre méconnaissance du système. Ceci s'explique évidemment par le fait que la probabilité d'être confronté à la maladie augmente avec l'âge et que dans le domaine médical, comme partout, la connaissance s'acquiert en grande partie avec l'expérience.
Lorsqu'il s'agit d'estimer le montant de ses propres dépenses de santé, un français sur deux (51%) est incapable d'avancer un chiffre et ceux qui se risquent à un rapide calcul semblent avoir une vision très minorée de la réalité. Le chiffre moyen avancé est de 50€ par mois à rapprocher des 150€ mensuels calculés par la CNAM. Quant aux cotisations, qu'il s'agisse de celles afférentes à la sécurité sociale, de la CSG ou de celles consacrées à une complémentaire santé elles sont très majoritairement et uniformément méconnues : 72% des actifs concernés ignorent ainsi leur part dans leur salaire (72% pour les cotisations de sécurité sociale ainsi que pour la CSG et 73% pour les cotisations de complémentaires santé).
En revanche, la connaissance du coût d'une consultation chez un médecin généraliste conventionné est bien meilleure. Lorsqu'on cumule les réponses spontanées et assistées, c'est près de trois quart des Français (74%) qui ont pu répondre qu'elle est de 20 €. La récente médiatisation de sa revalorisation y est certainement pour beaucoup. Inversement le coût d'une consultation chez un spécialiste conventionné de secteur 1 est à nouveau largement méconnu, 10% seulement des interviewés ont su répondre convenablement. Certes la consultation d'un spécialiste est un acte moins fréquent que celle d'un généraliste. De plus, la part des spécialistes de secteur 2 est bien supérieure à celle des généralistes dans le même cas ; l'"expérience" d'une partie non négligeable de l'échantillon l'amène donc à "survaloriser" le coût des consultations.
De manière plus générale, concernant la médecine de ville, la notion de conventionnement apparaît très floue chez les interviewés. Si 66% et 62% des Français déclarent connaître les particularités d'un médecin respectivement conventionné et non conventionné, ils ne sont que 9 et 8% à penser connaître respectivement celles du secteur 1et du secteur 2. En d'autres termes, il y a très clairement confusion dans l'esprit des Français entre le secteur 2 et le secteur non conventionné. Enfin, 76% des personnes interrogées pensent que le tarif dit "de sécurité sociale" des consultations médicales est fixé par le ministre de la santé et 69% estiment que la CNAM participe également à cette décision.
La connaissance des principes de remboursement des médicaments est, elle aussi, imparfaite et superficielle. Si 41% des enquêtés ont choisi dans la liste qui leur était proposée le taux de 65%, soit une réponse valide, ils sont 37% à avoir avancé le taux de 75%. Celui de 35% n’a été choisi que dans 16% des cas. S'agissant d'une question à réponses multiples, les interviewés pouvaient donc donner simultanément les trois taux pratiqués en France. Si l'on cherche à analyser plus finement ces réponses, le constat est sévère : 8,2% seulement ont été capables de donner les taux de 65 et 35% (avec éventuellement d'autres taux erronés) 2,6% les taux de 100 et 65% mais, surtout, 0,9% l'ensemble des trois taux à, l'exclusion de tout autre, seuls 9 individus sur les 1010 interrogés ont ainsi construit le schéma des remboursements appliqués...
Quant aux instances fixant le taux de remboursement des médicaments, 77% pensent que c'est la CNAM, 76% le Ministre de la santé (il s'agissait là encore d'une question multiple), 43% le parlement et 29%... les industriels et laboratoires pharmaceutiques. Ils sont plus de la moitié (53%) a estimer qu'en matière de fixation du taux de remboursement, il n'y a pas de règle et que chaque médicament fait l'objet d'une décision particulière. 37% pensent que s'il soigne une maladie grave, un médicament est toujours remboursé ; 21% pensent que s’il n'est pas efficace, il n'est pas remboursé.
Concernant les médicaments génériques, l'action de communication engagée visant à les promouvoir auprès du grand public a porté ses fruits puisque 92% des interviewés sont d'accord avec le fait que ces médicaments coûtent moins cher à la Sécurité Sociale et 88% le sont avec le fait qu'ils ont le même effet que les médicaments de marque. L'affirmation que les médicaments génériques sont mieux remboursés que les médicament "de marque", à la fois vraie et fausse n'a rallié que 53/o des interviewés. Au bas de l'échelle, seuls 25% estiment que les médicaments génériques puissent freiner la recherche médicale et pharmaceutique.
La définition première du ticket modérateur, à choisir parmi plusieurs, est visiblement ignorée. 37% ont répondu différemment de "c'est la part des consultations, médicaments et hospitalisation qui n'est pas remboursée par la sécurité sociale", 40% lui préférant "c'est ce qui est remboursé par les complémentaires santé" 1.25% déclarent ne pas savoir ce dont il s'agit et 22% en donnent une définition complètement fausse ou plutôt exactement inverse.
Toujours dans les tests de définition, le forfait hospitalier n'est guère mieux loti. Un quart seulement des Français sont capables de choisir la bonne. On peut toutefois y ajouter 20% qui ont répondu comme précédemment qu'il s'agit de la part prise en charge par la complémentaire santé. C'est donc moins d'un Français sur deux qui sait approximativement ce qu'est ou ce que représente le forfait hospitalier.
De leur système de santé en général, on retiendra que les Français ont une connaissance assez superficielle, donnant des définitions de ses composantes pour le moins approximatives. Ils en sont utilisateurs sans chercher à comprendre les mécanismes fondamentaux de cette bâtisse extrêmement complexe. Pourtant, 54% des Français s'estiment suffisamment informés sur le système de santé français. La proportion restante, soit 46%, souhaiterait, pratiquement à proportion égale, recevoir d'avantage d'informations sur la qualité des soins de la médecine de ville et sur celle des soins de l'hôpital. Le vecteur d'information privilégié repose essentiellement sur les médias Gournaux, TV et radio) pour 76 % des cas. Suivent ensuite les médecins et pharmaciens (37%) et les lettres de la CNAM (35%).
Le type d'information souhaitée relève principalement de l'évolution de la médecine (20%), de l’organisation décisionnelle des tarifs et des taux (19%), du coût de la santé en général (17%) et en particulier (10%).
Le jugement porté sur le système de santé français de manière spontané lui est très majoritairement favorable puisque c'est près des deux tiers des répondants qui estiment que le système est bon et en tous cas bien meilleur qu'à l'étranger (USA, Angleterre) notamment parce la liberté de choix y tient une grande place.
Néanmoins un grand nombre d'opinions exprimées nuancent le jugement en précisant que certains éléments du système sont "à revoir", ne plaisent pas ou ne fonctionnent pas correctement. Il s'agit pour la plupart de mécontentement vis à vis du remboursement de certaines prestations ou du coût global pour la collectivité voire pour soi-même. 11% évoquent immédiatement une dégradation du système dérivant même pour certains (5%) vers un système à deux vitesses. Enfin, toujours en spontané, ils sont 9% à avoir évoqué les abus que générait le système, que ce soient des abus "d'affiliés profiteurs" ou de médecins "exagérateurs"
En assisté, le jugement global est largement confirmé : au final ce sont 77% des Français qui pensent que le système marche bien. La performance du système est d'abord ressentie au travers de la liberté de choix du médecin (94%), de la bonne formation des médecins (86%) de la pratique d'une médecine de pointe (77%), de la solidarité / mutualité (76%) et du fait que ce soit l'un des meilleurs systèmes du monde (73%).
Par contre, les personnes interrogées lui reprochent un coût trop élevé pour la collectivité dans 58% des cas et pour les assurés dans 55% des cas, ce qui fait dire à 57% que le système est mal géré.