Résumé
La première conclusion apparaît dès la présentation des montants globaux ; c’est l'opposition entre transports individuels et collectifs. Les transports individuels (automobile et deux-roues) supportent plus de taxes qu'ils ne reçoivent de transferts quelle que soit l'hypothèse retenue pour l'évaluation du transfert lié à l'utilisation du capital routier. Les transports collectifs quant à eux sont soumis à un taux de prélèvement net inférieur à celui des transports individuels ; pour la plupart d'entre eux (les seules exceptions sont les cars interurbains et l'aviation intérieure en 1967 et 1973 et les transports urbains de province en 1967), les transferts excédent les impôts et taxes. On peut donc considérer qu'il existe un transfert redistributif allant des ménages motorisés vers les non motorisés qui ont en moyenne des revenus plus faibles que les premiers.
Les bilans redistributifs par catégorie socio-professionnelle du chef de ménage font apparaître que les salariés non agricoles sont les principaux bénéficiaires des effets redistributifs liés aux transports. En effet, ils consacrent une plus forte part de leurs dépenses de transports aux transports collectifs ; ils bénéficient plus que les autres ménages d'un système de réductions tarifaires sociales adapté à leurs types de déplacements (cartes hebdomadaires de travail, congés payés...). Par contre les impôts et taxes sur les transports individuels sont quasi-proportionnels par rapport à la dépense consacrée par les ménages à ce mode de transport. En effet, la structure des dépenses varie peu d'une catégorie à l'autre, compte tenu de l'hypothèse de répercussion des taxes sur les achats de voitures par le marché de l'occasion.
La répartition par catégorie de communes fait apparaître une nette opposition entre Parisiens et provinciaux. Les premiers reçoivent plus de transferts qu'ils ne paient de taxes, c'est l'inverse pour les seconds.
Ces résultats traduisent des effets d'ensemble d'un éventail très large de mécanismes parmi lesquels ceux qui ont des objectifs sociaux implicites sont très peu nombreux. Néanmoins tous ont indirectement ou non des conséquences redistributives, ou anti-redistributives. En raison de l'importance du secteur des transports il apparaît donc légitime de se demander comment intégrer ces objectifs sociaux tout en préservant l'efficacité économique de ces activités. Les uns ne sont pas antagonistes de l'autre ; la mobilité de la population active, l'accès aux loisirs et aux vacances, le désengorgement du trafic urbain, etc... ne sont pas des problèmes n'ayant que des solutions purement économiques. Alors que la taxation des carburants volontairement alourdie par l'Etat pénalise aveuglément les utilisateurs de véhicules particuliers, on peut penser que les interventions publiques seraient socialement plus justifiées si leur modulation était mieux adaptée. A cet égard on suggérera les propositions suivantes :
diminution des taux de taxes frappant les deux-roues (achats de cycles et de motocycles de petite cylindrée, essence-moto). En effet, ce mode de transport est utilisé principalement par des personnes appartenant à des ménages dont le chef est ouvrier ou employé.
extension des réductions tarifaires donnant droit à compensation de l'Etat aux cars interurbains, mode de transport important pour les ménages ruraux, ainsi que le renforcement de la part des transferts liés aux réductions tarifaires dans l'ensemble des transferts bénéficiant aux transports collectifs.
extension des réductions tarifaires touchant les catégories les plus défavorisées, notamment les personnes âgées. Les collectivités publiques pourraient jouer un rôle moteur dans ce domaine en proposant la compensation des pertes de recettes en résultant à toutes les entreprises de transport. Le succès commercial de la "carte vermeil" et le développement des mesures de gratuité ou de fortes réductions tarifaires pour les personnes âgées dans les transports urbains, surtout en province et à l'initiative des collectivités locales, montrent bien l'efficacité de ces mesures.
Par contre, les réductions sociales (réductions familles nombreuses, congés payés...) sont utilisées en 1ère classe principalement par les ménages les plus aisés ; il conviendrait de limiter la prise en charge de ces réductions par l'Etat en 1ère classe.
. réduction des disparités entre Paris et la province. Ceci pourrait se faire par une meilleure répartition des investissements routiers. Pour les transports en commun, ce rééquilibrage passe par un développement de l'accès des provinciaux aux transports interurbains (liaisons transversales par la S.N.C.F., maintien du réseau d'omnibus et des services routiers, implantation d'aéroports) ; il passe aussi par une homogénéisation de l'intervention des collectivités publiques dans le domaine des transports urbains. La plupart de ces transformations ont connu des débuts de réalisation depuis 1973.
En fait, plus que par des mesures ponctuelles, ce n'est que par l'instauration d'une "aide personnalisée au transport" prenant en compte la situation de chaque ménage (revenu, distance domicile-travail, besoins de déplacements) que l'on pourrait globalement réduire les inégalités existant dans le domaine des transports et que les interventions publiques en ce domaine ne contribuent pas toujours actuellement à faire disparaître.