Les maisons d'assistants maternels (MAM) : opportunité et complexité du renouveau de l'activité d'assistant maternel

E. Alberola

Cahier de recherche N°C318

Résumé

Les maisons d’assistants maternels, par le regroupement de quatre assistants maternels maximum pour un exercice hors du domicile, bouleversent le référentiel traditionnel de l’offre d’accueil répartie entre accueil collectif et individuel. La loi de juin 2010 sécurise les « regroupements d’assistants maternels », expérimentations initiées dès 2006 sur certains territoires, pour répondre au souhait des assistants maternels de sortir du domicile et de renouveler leurs pratiques. Le législateur en généralisant les MAM vise le nécessaire développement de l’offre d’accueil en France, sa diversification et une attractivité renforcée de l’activité. Il s’agit de revaloriser le métier en modifiant les représentations des assistants maternels, notamment des futurs professionnels, et des parents d’une activité à la professionnalisation30 inachevée souffrant des comparaisons avec l’accueil collectif. 

 

Les MAM, réponse à un sentiment d’invisibilité sociale et professionnelle

Les assistants maternels se sont emparés de cette opportunité de renouveau comme l’atteste la rapide montée en charge du dispositif. En octobre 2012, 527 MAM actives étaient recensées dans 86 départements, 330 en 2011 et 160 en 201031. A cette date, seuls 15 départements n’avaient pas de MAM actives. 199 étaient par ailleurs en projet. 

Cet engouement reflète l’impérieuse nécessité pour ces assistants maternels de sortir d’une invisibilité sociale et professionnelle marque d’un défaut de professionnalisation dans les représentations parentales et, pour ainsi dire, dans « l’inconscient » des assistants maternels qui, pour bon nombre estiment que l’exercice à domicile ne rend pas compte de leurs compétences et de la valeur de leur activité. 88% des assistants maternels ont souhaité poursuivre leur activité en MAM principalement pour rompre leur isolement professionnel et renouveler leur pratique (47%)32. Les interviews ont par ailleurs révélé un désir de s’inscrire dans le référentiel plus valorisé de l’accueil collectif. Le collectif en tant que norme professionnelle et opportunité d’évolution attire. Ainsi, la perspective d’une pratique renouvelée, par un accueil collectif partagé, rend à revaloriser le métier notamment auprès de nouveaux professionnels. Le caractère atypique de l’accueil en MAM autorisant une pratique collective dans des locaux dédiés contribue à l’intérêt d’une nouvelle catégorie de professionnels (1/3) qui n’auraient sans doute pas fait le choix de l’activité à domicile. Plus jeunes, plus formés notamment dans le secteur sanitaire et social que leurs collègues en MAM, avec une expérience professionnelle antérieure, ces assistants maternels ont été séduits par la perspective d’un accueil « idéal » mêlant les avantages du collectif et de l’individuel.

La variabilité du modèle MAM fonction de l’histoire et du parcours des assistants maternels 

Sans volonté et moyens de juger de la qualité de l’offre d’accueil proposée, les investigations de terrain33 ont toutefois permis d’appréhender plus finement l’intérêt des assistants maternels pour les MAM et leur projection ou représentation du modèle MAM. Le cadre réglementaire peu directif sur les conditions de mise en œuvre et l’économie générale du projet (organisation, projet d’accueil, relations avec les parents…), l’enjeu de caractérisation de potentiels schémas de fonctionnement est notable. Existe-t-il un ou plusieurs modèles de MAM ? Quels sont les éventuels critères de différenciation ? De quelle manière la délégation d’accueil est-elle mobilisée ? Sur quels principes sont établis les projets d’accueil ?

Pour la plupart des assistants maternels, l’accueil en MAM est une réponse aux contraintes de l’accueil à domicile (horaires étendus, isolement, faible reconnaissance professionnelle, gestion difficile de la relation parentale) et une promesse de renouvellement des pratiques. La délégation d’accueil est la pierre d’angle de tous les projets. Elle permet une réduction de l’amplitude horaire (roulement entre assistants maternels pour l’ouverture et la fermeture, jour possible de récupération), une organisation facilitée pour les activités pédagogiques, une mise à distance de la relation parentale.

L’ensemble des MAM interrogées34 pratiquent la délégation d’accueil essentiellement pour couvrir l’amplitude horaire (77%) et intégrer les contraintes de maladie ou de retard des assistants maternels (53%). 

Le modèle MAM, selon la nature du projet d’accueil (positionnement par rapport au référentiel d’accueil usuel individuel/collectif), la structuration de l’offre d’accueil (usage de la délégation d’accueil, place des parents) et le parcours professionnel des assistants maternels est ainsi variable allant de l’inspiration du collectif à l’affirmation d’un accueil familial renouvelé entre le collectif et l’individuel. 

 

L’appréciation de la spécificité de l’accueil en MAM : condition première de la réussite des projets

En écho au discours des assistants maternels, les services de PMI soulignent la difficulté d’un accueil qui n’est pas une simple transposition de pratiques individuelles issues du domicile. Cet accueil partagé, en l’absence de supervision et d’encadrement, doit être questionné par les assistants maternels dans son incidence sur le collectif de travail et l’accueil de l’enfant ; cette projection professionnelle conditionne la réussite du projet. L’attrait d’un accueil collectif et partagé, premier motif d’intérêt pour le projet MAM, peut évincer la question cruciale du sens de l’accueil et du renouvellement des pratiques, en dépit de l’élaboration formelle d’un projet d’accueil (étape requise par la plupart des départements). Très concrètement, les assistants maternels de notre corpus n’ayant pas suffisamment questionné la spécificité de l’accueil en MAM, par rapport au domicile ou à la collectivité, se sont exposés à d’importantes déconvenues fragilisant à moyen terme la MAM (départ non anticipé d’assistants maternels, impossibilités de faire face aux charges, fermeture de la structure).

 

Un modèle économique fragile

Pour autant, l’ensemble des MAM partage un modèle économique et juridique commun. De statut associatif, essentiellement pour l’obtention des aides financières institutionnelles, le modèle économique des MAM repose sur un équilibre difficile entre les revenus d’activités, à savoir les salaires et indemnités versés par les parents, et les charges en MAM structurellement plus importantes qu’à domicile. Hormis les aides CAF nationales (PALA et les primes à l’installation), les aides à l’investissement ou au fonctionnement des collectivités, départements ou communes, ne sont pas systématiques. De fait, la viabilité économique des MAM n’est rendue possible que par un nombre suffisant d’assistants maternels et d’enfants (trois assistants maternels agréées au minimum à trois enfants) et un démarrage financier de l’activité facilité (absence d’endettement pour les travaux et loyer négocié, voire gratuit). La recherche de compensation des charges, en général financée par la mise en commun des indemnités d’entretien, entraîne généralement une augmentation des tarifs d’activité lors du passage en MAM, la possible sélection de contrats les plus avantageux (temps plein), voire la demande d’une cotisation d’adhésion aux parents pour le financement des jeux ou du matériel. 

 

Des parents rassurés par l’accueil en MAM

Les maisons d’assistants maternels sont peu connues de parents dont les souhaits premiers en matière d’accueil se centrent sur le collectif de la crèche pour la socialisation et l’engagement de professionnels formés auprès de l’enfant. Faute d’obtention d’une place, les parents du corpus ont découvert les MAM mêlant les codes familiers de l’accueil par un assistant maternel et de la collectivité. Les parents se déclarent satisfaits d’un accueil souple (horaires relativement étendus, possibilité de délégation d’accueil) et avant tout sécurisé. L’enfant bénéficie du regard croisé de plusieurs assistants maternels dans un lieu dédié au jeune enfant. Les accidents domestiques et les facteurs de maltraitance liés notamment à l’épuisement de l’assistant maternel sont mis à distance (relais possible). L’activité en MAM dans des locaux dédiés avec du matériel adapté tend à professionnaliser les assistants maternels dans les représentations parentales. Les parents distinguent toutefois le niveau de qualification en MAM et en établissements d’accueil du jeune enfant. Les parents signalent aussi le coût élevé de ce mode d’accueil et la possible perte de lien (en raison de la délégation d’accueil) avec l’assistant maternel référent, ayant signé le contrat et légalement en charge de l’enfant.


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