Résumé
Après avoir étudié durant des décennies les familles nucléaires, la sociologie, grâce au papy boom, (re)met à jour la dimension verticale de la famille et redécouvre la parenté depuis les années 1970. Au milieu de cette décennie, la crise économique met spécifiquement en exergue les solidarités au sein du groupe familial élargi, achevant de prouver que la famille nucléaire ne vit pas repliée sur elle-même, mais que ses échanges sont nombreux et variés avec la parenté. Malgré ces découvertes, plusieurs sociologues ont déploré la déliquescence des rapports dans une famille désinstitutionnalisée et donc "incertaine", alors que d'autres ont défendu la vigueur des liens familiaux.
Aujourd'hui, plus que jamais, grâce à l'allongement de la vie, la coexistence des générations est forte. Plus généralement, il apparaît que le cycle de vie est en profonde mutation. Claudine Attias-Donfut avait posé la base de l'interaction entre les cycles de vie et les relations entre les générations en les identifiant l'une à l'autre. Cette approche, très pertinente, mérite d'être développée ; est ici établi un parallèle entre les mutations du cycle de vie et celles des relations entre les générations.
Il en sort un diagnostic sur l'évolution des relations entre les générations.
Naguère, ces relations étaient simples. Elles dépendaient de la position relative de chacun dans le cycle de vie, selon une échelle univoque, dont le sommet était le patriarche.
Aujourd'hui, ces relations s'établissent moins souvent sur ce mode simple et hiérarchisé. L'autonomie revendiquée des ménages et la proximité affective se conjuguent pour créer des relations inédites, moins statutaires, plus électives. Les rencontres, si elles sont moins fréquentes, sont moins contraintes. On y prend plus de plaisir. Les activités réalisées en famille en sont bouleversées. On effectuait naguère les actes de la vie quotidienne ensemble ; on organise aujourd'hui des activités centrées sur la rencontre.
Cette évolution est analysée sous deux angles :
Une description quantitative des relations entre les générations des contacts de la personne interrogée avec des membres de sa lignée : fréquence, modalités, éléments de variation. L'enquête Réseaux de parenté et Entraide de l'INSEE, réalisée en octobre 1997 sur 8 000 ménages, a été ici utilisée. Cette description permet de conclure à la diminution des relations dites quotidiennes. Ce résultat confirme l'autonomie croissante des ménages.
Un point de vue compréhensif sur le contenu des relations entre générations est adopté par l'utilisation d'entretiens semi-directifs. Dans des familles sélectionnées pour leur diversité, 3 générations successives ont été interrogées, afin de mesurer l'évolution des relations. Le discours à propos des relations familiales, comme les activités réalisées ensemble témoignent d'une grande proximité. Le respect de l'autonomie de chacun est cependant comme un élément fondamental de l'entente. Il apparaît donc que, car ils sont plus choisis, les moments passés ensemble sont plus investis et permettent une grande proximité affective.