Résumé
Le Haut Comité de Santé Publique est chargé de traiter, dans son prochain rapport triennal, la question de l’attente des Français sur l’information dans le domaine de la santé.
Pour alimenter sa réflexion, le Haut Comité de Santé Publique a confié au CRÉDOC la réalisation d’une étude ayant pour objectif de connaître l’attitude des Français face à l’information en matière de santé, les sources qu’ils utilisent et le crédit qu’ils leur accordent.
Afin de répondre à cette demande, le CREDOC a interrogé au cours du premier trimestre 2001 un échantillon de 1000 Français, âgés de 18 ans ou plus, représentatif de la population de cette tranche d’âge résidant en France.
> L’information en matière de santé : diversité des comportements et des logiques
Le premier constat est que la plupart des Français (74%), s’informent dans le domaine de la santé, mais que cette information peut revêtir des formes diverses (recherche d’informations sur un sujet précis, attention portée à l’information diffusée par les médias, dialogue avec le médecin traitant, lecture des notices de médicaments et de la composition des produits,...) et avoir des significations très différentes.
Plus précisément, près de la moitié des personnes interrogées, 44%, ont recherché des informations sur un sujet particulier dans les six mois précédant l’interrogation. Le plus souvent, cette recherche a porté sur une maladie précise, ou bien sur le traitement de celle-ci. Les pathologies citées sont très diverses, depuis les plus bénignes jusqu’aux plus graves. Les recherches sur les comportements de prévention, ou encore sur les risques sanitaires liés à l’environnement ou à l’alimentation ont été plus rares. Certains sujets, tels que les risques dus à la consommation de tabac ou d’alcool, ou le fonctionnement du système de santé ont été très peu évoqués. Aucune des personnes interrogées n’a mentionné les renseignements sur un établissement de santé en particulier. Ces deux derniers thèmes n’entrent cependant pas dans les représentations de la santé des personnes interrogées, ou alors sont reliés au concept de maladie. Ce constat explique probablement qu’ils n’aient pas été considérés dans le domaine de l’information en matière de santé.
Les personnes ayant recherché de l’information sur un sujet précis se partagent entre celles qui se sont renseignées sur une maladie en particulier, parce qu’elles-mêmes ou un de leur proche est atteint, et celles qui sont motivées principalement par la curiosité, l’intérêt pour un thème médiatique, ou encore par crainte d’être atteintes par une maladie dont elles ont entendu parler, ou auxquelles elles se sentent vulnérables. Pour les premières, la recherche d’information s’inscrit dans une démarche de réparation de la santé. Pour les secondes, il peut s’agir ou bien d’une démarche de prévention, ou bien d’un intérêt envers l’information en général. Ces différents comportements montrent finalement le double ancrage de l’information en matière de santé, qui peut être liée à un ensemble de comportements en santé (de réparation ou de prévention), ou encore à des comportements d’information en général (intérêt, sensibilité, curiosité envers l’information quel qu’en soit le domaine).
Les sources d’information utilisées dans le cadre d’une recherche d’information sur un sujet précis dépendent alors des motivations de la recherche. Les personnes ayant été motivées par l’expérience de la maladie sollicitent d’abord les professionnels de santé (c’est le cas de 57%), puis dans un second temps, les médias et notamment la presse spécialisée (pour 50%). Les personnes motivées par la curiosité ou la crainte sont par contre plus nombreuses à avoir utilisé les médias (c’est le cas de 55% d’entre elles) que les professionnels de santé (pour 47%). Parmi les médias sollicités, la presse spécialisée reste la plus citée, mais les Français sont également nombreux à se référer à la télévision et à la presse généraliste.
S’informer dans le domaine de la santé ne se limite cependant pas à une recherche d’information sur un sujet précis. En particulier, les personnes interrogées sont nombreuses à s’intéresser aux émissions médicales diffusées à la radio ou à la télévision : le tiers d’entre elles essayent de les voir ou les écouter quand elles sont programmées. Ce sont également le tiers des Français qui lisent très souvent ou de temps en temps, les magazines spécialisés. Enfin, si seuls 20% des personnes interrogées consultent les sites Internet spécialisés sur ce thème, ce sont plus de la moitié des internautes qui ont ce comportement.
> Les différentes sources d’information en matière de santé
Les constats précédents ont montré en particulier l’importance de la composante médiatique de l’information en matière de santé. De plus, interrogés sur les sources d’information influant au quotidien sur leurs comportements, les Français sont nombreux à mentionner les médias, et en particulier, les journaux télévisés et la presse généraliste. Ces réponses confirment le rôle joué dans la diffusion de l’information au quotidien y compris dans le domaine de la santé, par les médias.
Si la composante médiatique de l’information en matière de santé est importante, les différents médias ne jouent pas tous le même rôle : les journaux télévisés ou radiodiffusés ainsi que la presse généraliste contribuent à une forme de culture de l’information en matière de santé, comme ils interviennent dans l’information en général. Ils ne sont que peu sollicités dans une recherche d’information sur un sujet précis, surtout lorsque celle-ci se fait par expérience de la maladie. Les médias spécialisés (émissions, journaux et magazines, sites Internet) ne font par contre pas partie de la culture au jour le jour dans le domaine de la santé, mais sont fréquemment utilisés dans le cadre d’une recherche sur un sujet précis.
Le recours aux professionnels de santé obéit à une logique différente : ils n’apparaissent pas comme une source d’information « au quotidien » (ce qui s’explique sans doute par le caractère au mieux périodique des consultations). Par contre, dans le cadre d’une recherche d’information sur un sujet précis, le recours aux professionnels de santé et en particulier au médecin traitant est important, et ce d’autant plus que le sujet concerne la maladie.
Par ailleurs, les Français considèrent les professionnels de santé comme la source d’information la plus crédible en matière de santé. Dans l’ensemble ils sont satisfaits de l’information en matière de santé, et lorsqu’ils ont effectué une recherche ils ont le sentiment d’être parvenus facilement à leurs fins. Deux remarques viennent toutefois nuancer ce constat :
d’une part, les Français sont nombreux à estimer qu’il y a trop d’informations dans le domaine et qu’il manque une source fiable. Elle doit provenir, pour la plupart des personnes concernées, des associations de professionnels. Ces derniers sont deux fois plus cités que les pouvoirs publics ;
d’autre part, la satisfaction envers l’information est plus importante lorsque les sources utilisées sont les professionnels que lorsqu’il s’agit des médias. D’ailleurs, lorsque les personnes interrogées ont utilisé à la fois les médias et les professionnels, c’est l’information fournie par ces derniers qui apparaît la plus crédible. Dans ce dernier cas, il peut s’agir d’une information communiquée par des professionnels de santé par le biais des médias, ce qui souligne l’aspect parfois complémentaire de ces deux sources.
Enfin, on peut remarquer que les personnes qui ne se sont pas informées sont aussi nombreuses à être satisfaites de l’information en matière de santé que l’ensemble des répondants. Ce constat montre l’existence d’une partie de la population qui n’a pas d’attente en ce qui concerne l’information en matière de santé.
D’autres sources d’information ont été mentionnées au cours de l’étude. Il s’agit d’abord de l’entourage. Il est cité par environ 15% des personnes interrogées, que ce soit dans le cadre d’une recherche d’information sur un sujet précis motivée par la maladie ou par la curiosité, ou dans celui de l’information reçue au quotidien. Il n’apparaît donc que peu sollicité, quel que soit le cadre. De plus, il est très rarement la seule source d’information utilisée et apparaît peu crédible.
Par ailleurs, la plupart des Français se déclarent sensibles aux campagnes de prévention ou d’information. Si seule une minorité ont eu recours à des associations de malade, l’information fournie apparaît alors crédible et les trois quarts des personnes interrogées estiment qu’il est du rôle de ces associations de diffuser de l’information. Enfin, le tiers des Français déclarent avoir entendu parler des états généraux de la santé, même si seuls 1% ont participé. Le principe de ces états généraux peut donc effectivement permettre aux pouvoirs publics de communiquer en santé.
> Vers des pistes pour une communication, en santé
Finalement, les Français sont dans l’ensemble tout à fait satisfaits de l’information en matière de santé. En particulier, ceux ayant recherché de l’information ont en général le sentiment d’être parvenus facilement à l’obtenir. Cependant, les personnes interrogées sont nombreuses à estimer qu’il est difficile de faire face à la multiplicité des sources d’information, et qu’il manque une source fiable et claire dans le domaine.
Confrontées à cette communication multiforme, la plupart privilégient l’information transmise par les professionnels de santé, et en particulier, par les médecins traitants. Pour les personnes interrogées, ce sont alors les associations de professionnels qui sont les plus aptes à constituer la source d’information fiable et claire dont ils estiment manquer.
Cette demande s’accompagne cependant d’une assiduité aux médias, ainsi que d’une confiance en l’information qu’ils communiquent qui, bien que plus faible que celle accordée aux professionnels de santé, reste importante. La télévision, la radio, la presse généraliste, sont des sources qui créent un réseau de renseignements influençant les comportements. Dans le cas d’une recherche d’information sur un sujet précis, les émissions et les magazines spécialisés constituent des sources souvent utilisées, parfois complémentaires aux professionnels de santé ou pouvant relayer le discours de ces derniers. Les comportements d’information en matière de santé, s’ils sont fortement reliés à la santé en général, le sont aussi à une forme de culture de l’information qui doit être prise en compte.
Cet intérêt porté aux médias peut avoir deux conséquences en termes de communication : d’une part, les médias constituent un levier difficilement contrôlable et s’ils sont supports de communication, doivent revêtir une certaine crédibilité, notamment celle qui proviendrait du discours des professionnels de santé. D’autre part, l’intérêt porté aux campagnes de prévention et de communication en santé ou encore aux états généraux de la santé montre la pertinence de poursuivre ce type d’action.
Derrière ce constat global, on peut identifier deux catégories de population plus démunies face à l’information en matière de santé. Il s’agit d’une part des ouvriers, d’autre part des personnes âgées de 65 ans ou plus. Or ces catégories constituent des populations prioritaires des pouvoirs publics, ou bien, comme les ouvriers, soumises en premier lieu aux inégalités de santé.
Les ouvriers sont beaucoup moins nombreux que les autres catégories sociales à s’informer en matière de santé. Lorsqu’ils le font, leur démarche s’inscrit dans une logique de réparation, ce qui est cohérent avec leurs comportements de santé en général. Ils sont alors particulièrement nombreux à ne pas être satisfaits de l’information en matière de santé et à estimer qu’il existe trop de sources d’information.
Le comportement des personnes âgées de plus de 65 ans est sensiblement différent. Elles semblent moins éprouver le besoin de s’informer, et, en particulier, sont peu nombreuses à s’estimer mal informées. Pourtant, elles s’informent peu, et se contentent des médias généralistes. Elles sont alors les premières à se sentir désarmées devant la multiplicité des discours sur les thèmes de santé, et, lorsqu’elles ont recherché de l’information, sont plus nombreuses que l’ensemble des répondants à estimer ne pas être parvenues au résultat souhaité.
Une politique d’information en matière de santé doit donc tenir compte des besoins particuliers exprimés par ces deux catégories de population.