Résumé
Outre le développement traditionnel des investissements physiques, de nombreuses dépenses de formation, d’organisation, de recherche (...) participent aujourd'hui et dans une mesure de plus en plus large à la croissance de l'activité économique des entreprises. La connaissance et l'étude de ces investissements intellectuels sont essentielles à la définition de politiques visant à favoriser leur développement (traitement comptable et fiscal adapté à leur véritable nature de dépenses d'investissement,...).
L'accord immédiat et unanime concernant l'importance du phénomène et de ses enjeux masque cependant la difficulté réelle de l'analyse. Peut-on réellement considérer ces dépenses comme des investissements ? Dans l'affirmative, quelles sont les limites de l'assimilation des investissements intellectuels aux investissement en capital physique ? Que déduire des éventuelles particularités d'investissements qui ne se matérialisent que dans la qualité des hommes ? Comment repérer ces dépenses ? La nouveauté et la complexité du phénomène qu'illustrent ces différentes questions peuvent justifier une multiplicité des approches et des niveaux d'analyse. L'étendue du sujet et le risque d'éparpillement qui en résulte interdisent cependant de négliger les constructions théoriques actuelles liées à cette notion d'investissement intellectuel.
Née de l'interrogation des économistes sur le rôle de la complexification (qualité) du facteur travail dans la croissance économique, la théorie du capital humain forme aujourd'hui un ensemble théorique et empirique cohérent qui par bien des aspects offre un cadre adapté à l'étude des investissements intellectuels.
Elle propose une analyse théorique de certains investissements humains (santé, formation, migration, etc...) qui examine et exploite les conséquences et les limites de l'analogie avec l'investissement en capital physique.
Dans sa composante principale, elle examine de façon privilégiée l'investissement intellectuel-type que constitue l'investissement en formation et cela à travers une opposition entre éducation formelle et formation en entreprise.
Enfin, et à ce dernier niveau, elle a fait aujourd'hui la preuve de la généralité de ses concepts dont les développements actuels participent au profond renouvellement de l'analyse du marché du travail et plus particulièrement des rapports employés-employeurs dans le cadre de la firme.
L'étude proposée a pour objet une présentation synthétique de la théorie du capital humain privilégiant les modalités et les particularités de l'investissement humain dans l'entreprise.
Dans une première partie, on s'attachera exclusivement à la présentation (section 1) et à l'examen des conséquences de l'originalité fondamentale du capital humain par rapport au capital physique : son incorporation à la personne humaine.
Isolément ou communément l'étude des propriétés particulières de l'investissement humain conduit à différentes analyses qui forment le "noyau dur" de la théorie du capital humain. On en présentera rapidement les plus représentatives (ou les plus proches des préoccupations actuelles du CPE) en s'intéressant successivement à l'échelonnement temporel optimal de l'investissement humain (section 2 : capital humain et cycle de vie), aux facteurs qui se trouvent à l'origine de la différenciation des comportements individuels face à l'investissement en formation comme à leurs conséquences sur l'inégalité salariale (section 3) et enfin aux traits distinctifs de l'investissement humain dans l'entreprise (section 4 : formation en entreprise).
Dans une dernière section, (section 5), on fera une brève présentation des développements récents de l'analyse des particularités de l'investissement humain quant à la compréhension du fonctionnement du marché du travail (signalement, incitations, assortiment, etc...).
La théorie du capital humain réduit le comportement des individus en matière de formation à leurs seules conséquences économiques. Elle conduit à des propositions risquées qui peuvent être démenties par les comportements observés. La confrontation de la théorie aux faits constitue alors la contrepartie logique de cette option ; elle fait l'objet de la seconde partie de cette étude.
Au cœur de l'analogie entre capital humain et capital physique, on vérifie que l'investissement en formation est un investissement rentable. Ceci constitue un premier test (indirect) de la réalité du comportement d'investisseur que la théorie prête aux individus, qui se trouve conforté par l'observation de la sensibilité des choix d'éducation à l'évolution de la rentabilité des études (section I).
On vérifie par ailleurs que les variables de capital humain contribuent pour une part importante à l'explication de la dispersion des gains individuels (section II) et cela d'autant plus que l'on se trouve à même de distinguer (au plan empirique) des variétés pertinentes d'investissements scolaires (années d'études non redoublées, années d'études redoublées, années d'études non-certifiées...) et post-scolaires (formation continue, formation sur le tas de différents types...).
Ces différents éléments ne sauraient épuiser le vaste champ d'analyse que constitue l'analyse de l'investissement humain dans l'entreprise. Ils fixent néanmoins un cadre théorique qui définit et illustre leur spécificité et offre l'exemple d'une démarche cohérente de définition et de mesure de la rentabilité d'une variété essentielle d'investissements humains.