Note de conjoncture 2020 - Rapport

Pôle

Sourcing Crédoc N°Sou2023-4901

Résumé

La société française est, au début 2020, traversée par deux aspirations vécues comme opposées entre, d’un côté, un modèle de société où l’homme « maitrise » le monde et aspire à repousser sans cesse les limites (biologiques, géographiques, etc.) notamment grâce à la technologie, et de l’autre la vision d’une société humaine qui doit se faire plus humble et respectueuse de la nature et des relations à autrui, deux dimensions figurées par le mythe de Prométhée. Entre ces deux modèles de société, domine une majorité de la population, en difficulté, pétrie de méfiance et d’un sentiment d’insécurité. Insécurité économique avec des craintes vis-à-vis de la réforme des retraites, ou des inquiétudes par rapport à des emplois peu qualifiés ou précaires. Insécurité sociétale chez certains qui se situent en rejet d’évolutions par ailleurs massivement soutenues par la population (évolution des contours de la famille, identités multiples, évolution technologique vécue comme une perte de contrôle, etc.). Voire insécurité culturelle avec un rejet de toute diversité. Et finalement un sentiment dominant de vivre dans un monde qui leur échappe, où l’on n’a plus de possibilité de contrôle. Entrainant, chez certains, une forme de retrait et, chez d’autres, une colère voire une radicalisation. C’est sur ce terreau que survient le choc, violent, de la pandémie de coronavirus. Epidémie qui entraîne des réactions médiatiques, politiques et sociétales d’une ampleur sans précédent avec notamment le confinement de la moitié de l’humanité pour chercher à limiter les dégâts de la maladie. Le confinement est vécu, en France, très différemment selon les catégories de population, voire les moments pour un même individu. La population est ainsi traversée à la fois par des inquiétudes fortes vis-à-vis de la maladie, un sentiment de solitude ou de mal-être, mais aussi, dans des proportions identiques, une forme de bien-être liée à un temps suspendu, et protégé dans le cocon du domicile, où l’on peut gouter au temps passé en famille, etc. En termes d’emploi les situations sont aussi très différentes : avec une partition en trois tiers entre télétravail, cessation d’activité (notamment via le chômage partiel) et continuité de présence pour les métiers dit « essentiels ». Notre enquête met à jour de multiples effets immédiats de la crise inédite ayant secoué le pays :

  • Une amplification des inégalités sociales déjà pré-existantes. D’un côté une partie de la population met de côté une épargne « forcée » et découvre, plutôt positivement le télétravail. De l’autre, une partie est déjà confrontée à une perte d’emploi, de revenus. A cela s’ajoutent des différences marquées de conditions de confinement, qu’il s’agisse de l’espace dans le domicile, ou de l’accès à un espace extérieur qui viennent exacerber les tensions avec les proches, ou au contraire renforcer les liens. La difficulté du suivi scolaire des enfants est liée elle aussi à la catégorie sociale et au niveau de diplôme des parents ainsi qu’à leur présence, ou non, à domicile (les bas revenus ayant été plus nombreux à continuer à se rendre sur leur lieu de travail). Globalement les bas revenus sont ainsi en « première ligne » des différents effets négatifs, y compris les risques sanitaires de la covid-19.
  • Le cocon du domicile et le « filet de sécurité » massif de la protection sociale ayant protégé une grande partie de la population, celle-ci ne s’inquiète pas – parce qu’elle ne les voit pas ? - davantage du sort des plus démunis. L’attention de la population est focalisée sur les hôpitaux et le système de soin, et les services publics regagnent ainsi du crédit dans l’opinion. En revanche, les milliards dépensés pour soutenir l’économie et les individus font davantage progresser les préoccupations par rapport aux finances publiques.
  • Autre conséquence, le confinement crée l’expérience d’une consommation plus raisonnée, centrée sur « l’essentiel », sans qu’elle n’entraine vraiment davantage de sentiment de privation. Expérience vécue d’autant plus positivement qu’elle entre en résonnance avec les valeurs d’une société qui n’a jamais été autant préoccupée par la menace climatique.
  • Avec la décision de confiner la population, perçue comme un acte de solidarité, et de protection, la technologie et les institutions qui avaient perdu de leur aura, regagnent du crédit. Elles sont davantage vues comme des moyens permettant à l’homme de se protéger et de maîtriser son environnement Au total la période renforce l’aspiration d’une société « prométhéenne », où l’homme se place en « contrôle » et maîtrise du monde
  • Maitrise des risques sanitaires et protection contre ceux-ci, dans une société où l’intolérance au risque et le besoin de réassurance sont à leur comble,
  • Maitrise du temps : les Français aspirent toujours à ralentir dans un monde en accélération permanente
  • Maitrise de l’espace : le souhait de la démondialisation devient consensuel, rassemblant désormais même les anciens tenants du libre échange
  • Maitrise des interactions sociales : la violence et l’insécurité arrivent en tête des préoccupations  

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