Résumé
L’étude de l’ensemble de la mobilité des personnes est peu habituelle. Traditionnellement les volets mobilité locale et mobilité de longue distance sont analysés séparément.
La vision de la mobilité est alors la somme de la mobilité locale (inférieure à 100 km) et de la mobilité de longue distance (supérieure à 100 km). Cette approche se justifie pour des raisons très largement objectives. En effet avec des fréquences très différentes, des motifs de déplacements prépondérants dissemblables, des offreurs au moins en partie spécifiques, courte et longue distances forment pratiquement deux univers. D’ailleurs les critères d’analyse les plus couramment usités se distinguent, puisque dans un cas on parle de déplacements et dans l’autre de voyages et de nuitées alors qu’en théorie, des définitions strictes permettent d’utiliser indifféremment l’un ou l’autre dans les deux domaines. Il en est de même des instruments d’observation. Ces derniers font référence à des périodes d’enquêtes soit d’une journée, soit d’un week-end, soit de plusieurs mois, durée plus propice au recueil d’évènements rares. Il est vrai aussi que les logiques d’organisation des deux domaines sont relativement séparées. Le monde des transports ne forme pas une unité. Les déterminants qui président aux déplacements locaux relèvent de l’environnement urbain ou rural pour les plus petites communes. Ceux qui sous-tendent les déplacements de longue distance appartiennent à la sphère de l’aménagement du territoire.
En France, la disposition par les enquêtes nationales sur les transports de données de mobilité locale et de longue distance pour les mêmes personnes offre l’opportunité d’une analyse de la mobilité globale. C’est cette opportunité que nous avons voulu saisir et donner ainsi une vue plus générale que la simple addition de la mobilité locale et de la mobilité de longue distance.
Deux objectifs expliquent cette démarche : celui bien sûr de réaliser un panorama et un examen des comportements des individus pris dans leur globalité, mais aussi celui de tester la signification du seuil de 100 km qui est généralement pris pour séparer le domaine de la mobilité locale de celui de la longue distance. Le développement des infrastructures aussi bien routières que ferroviaires ou aériennes, et la vitesse des moyens mis en œuvre (T.G.V., performances des voitures) amoindrissent la frontière que pose la distance et laissent pressentir une plus grande osmose entre les deux formes de mobilité habituellement considérées. Aller à plus de 100 km de chez soi étant considéré comme moins fréquent, le recueil de ce type d’événement impose une période de relevé longue, alors que les déplacements de courte distance qui se produisent à un rythme quasi quotidien se satisfont d’un relevé au plus hebdomadaire. Or les déplacements quotidiens à plus de 100 km du domicile ne sont plus des événements exceptionnels (2% de l’ensemble des déplacements en 1994 et 1,2% en 1982). Le dispositif de la dernière enquête nationale sur les transports permet d’ailleurs de prévoir des modalités particulières pour les personnes dont le lieu de travail est distant de plus de 100 km de leur domicile (0,2% des actifs) et pour les personnes qui, faisant plus de six voyages au cours des trois derniers mois (3% des personnes), auraient pu être confrontées à une lourdeur d’enquête peu compatible avec un taux de réponse acceptable. Il est donc tout à fait évident que le quotidien, ou en tous cas le très fréquent, pénètre le domaine de la longue distance.
S’il est évident que l’écart de rareté entre les deux types d’événements que sont les déplacements courts et ceux de plus longue distance sera toujours justiciable de deux instruments différents, il est utile de préciser la signification que le seuil de 100 km peut avoir dans le cadre de l’analyse des comportements de transport. Et il y a un intérêt méthodologique évident à évaluer l’intérêt de recueillir dans une même enquête les deux formes de mobilité. Il faut d’ailleurs noter que cette option est jusque là peu partagée par les autres pays.
La démarche adoptée a donc consisté à procéder à une analyse descriptive de la mobilité par un examen des grands indicateurs (distance moyenne, temps, volume des déplacements et des distances, ...) et de leur évolution entre les deux dates de 1982 et 1994, puis de réaliser une classification des individus pour comprendre comment ils organisent leur mobilité.