Résumé
L’évolution démographique entraîne un accroissement du nombre de personnes âgées et, tout spécialement, de personnes très âgées. Encore plus rapidement se développent les problèmes de prise en charge de cette population et ceci pour trois raisons essentielles :
— l’évolution générale des conditions de vie (urbanisation) et l’extension de l’activité professionnelle des femmes rendent de moins en moins fréquente la cohabitation des générations lorsqu’elle est nécessaire, ou la prise en charge de la vie quotidienne des personnes âgées par leur famille ;
— les techniques médicales de diagnostic, de traitement, de rééducation, etc., s’adressent maintenant plus souvent qu’auparavant aux personnes âgées, rendant souvent indispensable une prise en charge financière des soins dont l'accroissement ne peut plus être assumé par les personnes âgées ou par leur famille ;
— l’élévation du niveau de vie général, ainsi qu’une meilleure conscience de la solidarité nationale, ne permettent plus d’abandonner à leur sort des personnes souvent gravement handicapées.
D’où la nécessité d’estimer les besoins de soins et d’hébergement des personnes âgées. La définition de ces « besoins » normatifs par construction, exige au préalable en tout cas, une connaissance relativement précise de leurs conditions de vie en liaison avec leur état de santé (handicaps, maladies, etc.).
Cet article est le premier d’une série dont l’objet est de décrire et d'analyser les problèmes soulevés par la prise en charge institutionnelle de la vie quotidienne des personnes âgées. Il s'agit donc d’un éclairage sur un domaine particulièrement mal connu : de ce point de vue, la quantité d’informations analysées est abondante puisqu'elles portent sur les caractères socio-démographiques des pensionnaires et sur leurs conditions d’hébergement, leur autonomie et leurs handicaps.
On présente ici le premier compte rendu d’une enquête représentative [financée par le Ministère de la Santé (Direction de l’Action Sociale)] qui porte sur les personnes âgées de 60 ans et plus résidant dans les :
— sections d'hospices des hôpitaux;
— maisons de retraite et hospices autonomes du secteur public;
— maisons de retraite du secteur privé, à but lucratif ou non.
Chaque pensionnaire de ces différents établissements a la même probabilité théorique de 1/100, d’appartenir à l'échantillon observé. Pour éviter une trop grande dispersion géographique, l’échantillon a été sélectionné par un sondage stratifié à deux niveaux :
— 59 établissements ont été tirés au sort après stratification selon le nombre de lits et selon le statut juridique;
— dans les petits établissements (moins de 50 lits), l’enquête a porté sur tous les pensionnaires; dans les établissements plus importants, les pensionnaires ont été désignés aléatoirement, sans que leur nombre excède de beaucoup la centaine pour une même institution.
Les renseignements relatifs soit à 1 établissement, soit aux pensionnaires eux-mêmes, ont été collectés auprès de la direction, des services administratifs et du personnel soignant.
L’enquête s'est déroulée sur le terrain de novembre 1976 à janvier 1977 : la durée moyenne de l’enquête a été de 3 à 4 semaines dans chaque établissement.
Les résultats présentés ici portent sur 3 752 pensionnaires dont 2 802 étaient présents dans l'institution au moment de l’enquête, qui en moyenne se situe autour du 10 décembre 1976, et 950 l’avaient quittée définitivement ou provisoirement depuis le 1er janvier 1976.
Dans un premier chapitre est décrite la population résidant dans les institutions selon de multiples caractères démographiques (âge, sexe, état civil) et sociaux (dernière profession exercée, résidence antérieure, proximité des enfants, lieu de naissance, etc.), ce qui permet des estimations des taux d’hébergement en hospice ou maison de retraite pour l’ensemble de la population française. Les modes et les motifs d’hébergement ou de sortie sont ensuite considérés ainsi que les durées de présence, les durées de séjour et les absences éventuelles de l’institution.
Dans un deuxième chapitre, les activités des pensionnaires sont analysées, activités relatives à la vie quotidienne de chacun : manger, s’habiller, se laver, sortir de son lit, et aux loisirs organisés ou non par l’institution : lire, regarder la télévision, écouter la radio, coudre, jardiner, etc. On s’efforce ensuite de définir l’univers spatial des pensionnaires : où passent-ils l’essentiel de leurs journées, quel est leur rayon de déplacement ?
Dans un dernier chapitre, on s’intéresse à ce que peuvent faire ou ne peuvent pas faire les pensionnaires, sur les plans locomoteur, gestuel, sensoriel, dans le domaine relationnel (mémoire, comportement, compréhension, élocution, incontinence).
Il s’agit là des tout premiers résultats issus de l’enquête 1976-1977 sur les personnes âgées vivant en institution. Ils seront complétés d’une part par l’étude des relations entre les variables déjà explorées, d’autre part par l’analyse de la morbidité des pensionnaires et de leur consommation médicale.