Résumé
L'usage de substances susceptibles de modifier l'état psychique évolue rapidement en France ces dernières années :
. baisse de la consommation d'alcool : 20,4 litres d'alcool par adulte de 20 ans ou plus en 1973-1975, à 19,4 litres en 1982-1984 (la France occupe toujours le premier rang mondial).
. augmentation de la consommation de tabac : + 15 % en volume entre 1980 et 1986.
. croissance de la consommation de tranquillisants et hypnotiques : entre 1980 et 1986, le nombre de boîtes vendues en pharmacie est passé de 52,6 millions à 76,7 millions pour les hypnotiques et sédatifs, de 61,4 millions à 87,9 millions pour les tranquillisants.
L'usage toxicomaniaque de ces produits reste relativement peu fréquent. L'essentiel de la consommation se fait en quantité modérée. Mais l'abstinence complète est rare. Seulement 10 % de la population ne boivent jamais d'alcool, ne fument pas et ne prennent ni somnifère, ni tranquillisant. 17 % se cantonnent à une très faible consommation d'alcool (1 apéritif par mois, ou moins d'1/4 de litre de vin à table).
Chaque produit s'adresse principalement à des consommateurs spécifiques : femmes et surtout femmes âgées pour les tranquillisants, hommes actifs pour l'alcool, jeunes pour le tabac.
Comme on le voit, l'âge et le sexe sont les premiers critères qui différencient les consommateurs de chaque produit. Mais le statut social, l'ensemble des conditions de vie jouent également un rôle important dans l'usage des produits psychotropes.
Jusqu'à présent, ces produits ont fait l'objet d'analyse de consommations séparées. L'originalité de l'enquête du CREDOC est d'étudier les consommations simultanées. L'association la plus fréquente est celle de l'alcool et du tabac. Elle l'est d'autant plus que la consommation d'alcool est élevée. A l'inverse, les consommateurs de tranquillisants et somnifères sont souvent abstinents des autres produits. Mais chez les plus jeunes, surtout les jeunes femmes, la consommation de tranquillisants est plus forte chez les fumeurs.
L'habitude de boire de l'alcool est principalement liée à l'activité et è la profession, surtout chez les hommes, ainsi qu'aux traditions alimentaires : les personnes âgées conservent souvent l'habitude de boire du vin è table, ce que font de moins en moins les jeunes.
En revanche, jusqu'à 50 ans, la consommation de tabac sans alcool est plutôt un signe d'anxiété. Ces personnes, essentiellement des femmes, connaissent fréquemment des difficultés dans leur vie familiale ou professionnelle.
Comme pour le tabac et l'alcool, la consommation de tranquillisants et somnifères touche des populations aux caractéristiques sociales et démographiques marquées. La pathologie paraît insuffisante pour expliquer l'ensemble de l'usage des médicaments psychotropes, pourtant a priori prescrits par le corps médical.
Pour les tranquillisants et somnifères, comme pour le tabac et l'alcool, une connaissance approfondie des consommateurs et des facteurs susceptibles de faire varier la demande paraît nécessaire pour prévoir l'évolution du marché, et éventuellement l'influencer.
Une forte opposition aux produits illicites
L'utilisation massive des psychotropes licites contraste avec une très forte opposition de l'opinion à l'usage des produits psychotropes illicites : 73 % placent la drogue en tête des produits dangereux pour la jeunesse, loin devant l'alcool et le tabac.
Certes, la toxicité majeure des substances comme l'héroïne ou la cocaïne justifie en grande partie ces oppositions. Cela montre toutefois que l'opinion publique est plus sensible aux dangers individuels immédiats qu'aux répercussions sociales (et à plus long terme) de l'abus de produits mieux connus. L'alcoolisme reste en effet, encore de nos jours, une cause de mortalité plus fréquente que l'abus de stupéfiants.