Résumé
A l'occasion des célébrations des trente ans de sa fondation, l'AJIS a demandé au CRÉDOC de l'aider dans la réalisation d'une enquête dont l'objet a été de dresser un état de la manière dont les Français perçoivent l'évolution sociale qui s'est produite au cours des trente dernières années dans notre pays. Nous avons en premier lieu organisé trois réunions de groupe qui ont permis au comité de pilotage de cette étude (réunissant les responsables de l'AJIS et du CRÉDOC), de préparer un questionnaire qui a ensuite été soumis à un échantillon de 2 000 Français adultes. Il s'agissait de recueillir les perceptions qu'ont les Français de cette période, de la manière la plus spontanée qui soit, et les jugements qu'ils portent sur ceux qui en ont été les principaux acteurs. Les trois réunions de groupe se sont tenues dans les locaux du CRÉDOC, et étaient constituées à partir de caractéristiques socio-économiques des participants : un groupe réunissait des personnes issues de catégories intermédiaires ou supérieures ; un second, des personnes issues de catégories sensiblement moins élevées (employés ou ouvriers) ; et un troisième, enfin, réunissait des demandeurs d'emplois et des allocataires du RMI.
Les quelques trente personnes, au total, qui ont bien voulu débattre de la manière dont elles ont vécu ces trente dernières années, se sont montrées assez pessimistes. Les années soixante constituent en effet pour elles (y compris d'ailleurs pour celles qui ne les ont pas vécues directement) une période de référence, mieux : un âge d'or qui constitue le "point de retournement"au-delà duquel la situation sociale en France n'a cessé de se dégrader.
Le sondage qui a ensuite été réalisé a, dans une certaine mesure, permis de tempérer ce pessimisme, et de montrer l'attachement dont les Français font malgré tout preuve à l'endroit de la société de consommation qui était apparue, lors des réunions de groupe, comme un des principaux "fléaux"de notre temps. Pour de nombreux participants, l'avènement de la "société de consommation"signifie en effet une exacerbation de l'individualisme, et un renoncement aux valeurs sur lesquelles étaient fondé l'être-ensemble de notre société. Il n'en reste pas moins que pour la majorité des Français interrogés, la crise que traverse notre pays est bien une profonde "crise de société"qui remet en cause la nature et la forme du lien social. C'est la société économique qui, en tout cas, est le plus souvent perçue comme la cause de cette dégradation du lien social car c'est elle qui produit le chômage, principale cause de fragilisation des rapports sociaux. Globalement, il apparaît bien que, pour la majorité de nos compatriotes, la situation sociale de notre pays s'est très nettement dégradée depuis les trente dernières années, principalement en ce qui concerne l'accroissement des inégalités sociales.