Résumé
Cette étude a été réalisée quelques jours avant les premiers froids de la mi- novembre 1993 et de la mobilisation des médias, des pouvoirs publics et des associations caritatives face à cette dégradation des conditions de vie pour des personnes sans-abri. Plus encore que pendant l’hiver 1992-1993, la figure du sans-abri a été fortement mise en avant, si cette image recoupe bien une forte partie de la réalité de la demande sociale en urgence, les résultats de cette enquête montrent bien la difficulté que rencontrent d’autres populations à trouver une réponse à leurs attentes : familles, jeunes, couples. Ces difficultés semblent dues à la spécificité des centres qui tendent à accueillir une population correspondant à leurs possibilités d’hébergement. Par ailleurs, les personnes présentant des troubles du comportement liés à la toxicomanie, à l’alcoolisme ou à des symptomatologies probablement d’ordre psychiatrique connaissent de réelles difficultés pour être accueillies voire hébergées.
Une double difficulté apparaît donc en matière d’accueil et d’hébergement d’urgence. La première est liée à l’insuffisance des places disponibles dans les lieux d’accueil, la seconde est liée à l’existence d’une population dont les caractéristiques ne correspondent pas aux normes ou aux possibilités d’accueil des établissements et des services. Ce décalage est nettement perçu par les acteurs de terrain interrogés dans cette enquête qui souhaitent tant un élargissement des capacités d’accueil que la possibilité d’améliorer les conditions quotidiennes de l’accueil.
Cet élargissement des capacités d’accueil est d’autant plus souhaité, qu’en adoptant une définition très stricte de l’urgence : la possibilité de donner une réponse immédiate en termes d'accueil ou d’hébergement et cela 24 heures sur 24, le nombre de places réservées à l’urgence, juste avant les mobilisations hivernales, était d’environ 10 000 pour la France métropolitaine.
S’agissant enfin de la gestion des dispositifs, cette enquête montre à la fois l’imbrication entre les pouvoirs publics, et tout particulièrement les DDASS et les associations. Ce partenariat qui aboutit à faire fonctionner des dispositifs de veille sous des formes diverses dans de nombreux départements semble aussi conduire à un certain flou dans la connaissance que peuvent avoir les acteurs des actions réellement menées dans leur propre ville ou dans leur département.
La dernière leçon de cette enquête réside certainement dans l'existence très forte de décalages dans la maturité et l’importance des dispositifs de prise en charge de l’urgence, d’un département à l’autre.
Il est probable que l’hiver 1993-1994 va voir se développer des services nouveaux et on devrait assister à une certaine homogénéisation, d’un département à l’autre, des politiques et des pratiques d’accueil et d’hébergement en urgence. La caractéristique de l’enquête conduite par le CREDOC à la demande de la FNARS est d’avoir à la fois cherché à interroger des personnes que l’on pouvait considérer comme des experts de l’urgence sur leur territoire et mis en place des indicateurs synthétiques dont le suivi dans le temps devrait permettre de mieux connaître les réponses locales aux inflexions des politiques sociales et aux évolutions de la demande en urgence. Cette première enquête pourrait ainsi constituer l’amorce d’un observatoire de l’urgence sociale.
A la fin de l’entretien une dernière question sollicitait l’avis des personnes interrogées quant à leur propre définition de ce que serait un accueil d’urgence de qualité. Cette question s’insère dans une problématique qui peut paraître seconde eu égard au décalage quantitatif entre l’offre et la demande mais dont on peut aussi penser qu’elle n'est pas sans rapport avec l’existence de ce décalage. Les réponses des personnes interrogées se regroupaient selon trois thèmes. Le premier critère de qualité porte sur l’importance d’un accueil chaleureux, propre et sécurisant qui donne à la personne accueillie l’impression d’appartenir au monde des gens normaux. 204 réponses évoquent ce premier thème.
Un deuxième thème d’importance égale place la qualité du service non pas dans l’accueil mais dans le travail de suite qui seul garantit que la personne accueillie ne devienne pas une récidiviste de l’accueil en urgence. L’aide immédiate ne prenant son sens que dans la possibilité de proposer aux personnes accueillies un prolongement dans l’avenir.
Le dernier thème abordé par 178 personnes fait de la qualité le produit du travail d'un personnel qualifié et disponible. La qualification garantissant la qualité de l’écoute au moment de l’accueil et ultérieurement de la réussite de l’insertion sociale.