Résumé
L’enquête « Conditions de vie et Aspirations des Français » est réalisée chaque année depuis 1978. Instrument multi thématique, s’appuyant sur le suivi de quelques opinions révélatrices des grandes inflexions du corps social, l’enquête permet de repérer et d’analyser, dans la durée, les principaux mouvements de fond traversant la société française. Elle fournit aussi un coup de projecteur sur les tendances conjoncturelles qui affectent, chaque semestre, les attitudes de la population. A cet égard, les premiers résultats de la vague du début 2002 apportent une information très significative sur l’état d’esprit de l’opinion : jamais, depuis la création du système d’enquêtes, les inquiétudes n’avaient été aussi hautes ; jamais les problèmes d’insécurité n’avaient autant marqué leur emprise.
Certes, la société française n’a pas vraiment sombré dans le pessimisme économique, mais on a le sentiment qu’elle se « crispe », qu’elle s’exaspère et amplifie ses peurs au travers du regard dubitatif qu’elle porte sur quelques espoirs déçus : le chômage remonte, la situation des « autres » ne s’améliore pas.
En vérité - qu’on ne s’y trompe pas -, les appréciations sur l’évolution du niveau de vie personnel restent encore d’un niveau très favorable. D’ailleurs, l’indicateur résumé du moral individuel des ménages est positif et il y a encore trois ans, on aurait pu probablement envier la situation d’aujourd’hui. Mais les « fissures » de l’opinion se lisent plutôt ailleurs : en même temps que les préoccupations sécuritaires n’hésitent plus à s’afficher, le désir de transformation radicale de la société repart à la hausse, les critiques sur le fonctionnement de la justice culminent et les interrogations sur la protection sociale continuent de s’accroître... Les doutes eux-mêmes reprennent leur essor autour d’anciennes batailles que l’on croyait pourtant gagnées : depuis la création de l’enquête, jamais un mouvement d’opinion n’avait été aussi fort que celui concernant, cette année, la conviction d’une remontée du chômage (+ 36 points en un an !).
En un mot, c’est probablement la parenthèse faste des années 1999-2001 qui commence, avec ces soubresauts inquiets, à se refermer. Comme si, alors qu’il avait presque disparu, le mécontentement sociétal revenait sous une forme un peu différente, attisé par l’impatience de voir combattre l’insécurité.
En définitive, analysés par comparaison avec les résultats du début 2001, cinq éléments principaux se dégagent :
1. Les inquiétudes des Français culminent, avec une préoccupation majeure : «la violence, l’insécurité ».
2. Le désir de réformer radicalement la société retrouve un de ses plus hauts niveaux. Le fonctionnement de la justice est sévèrement critiqué.
3. Un certain pessimisme sociétal se fait jour : de plus en plus de Français estiment que le chômage va repartir durablement à la hausse.
4. Les jugements sur les conditions de vie personnelles restent encore favorables.
5. Les interrogations sur les effets déresponsabilisants des politiques sociales continuent à toucher quasiment la moitié du corps social.