Formation continue des PME L'émergence difficile des politiques locales reposant sur le partenariat

L. Cartelier

Collection des rapports N°R74

Résumé

A chaque étape de ce rapport, nous avons été amenés à souligner une hétérogénéité des situations difficilement réductible à quelques causes objectives. Si l'on peut mettre en évidence une forte corrélation entre l'attitude à l’égard de la formation continue et d'autres segments de la politique de développement des entreprises et si une bonne part des grands établissements semble faire le lien entre le contenu du plan de formation et les objectifs généraux de l'entreprise, les écarts sont énormes au sein des PME et ne se réduisent pas à des différences de logiques sectorielles, même si ces dernières sont clairement perceptibles.

Il y a les PME, très minoritaires, qui ont un plan pluri-annuel aux objectifs bien définis ; il y a celles, également minoritaires, qui demeurent allergiques à la formation, et puis il y a la masse des PME qui sont prêtes à reconnaître l'utilité de la formation continue mais qui ne semblent pas, dans leur pratique, se rapprocher de la formation-investissement. Suivant les cas, l'accent sera mis alors sur l'existence formelle d'un plan aux axes prioritaires mal définis, sur les actions au coup par coup ou sur l'utilisation intensive des mesures d'aide à l'embauche prévoyant des périodes de formation.

Le fait que, dans cette catégorie majoritaire, beaucoup d'établissements déclarent utiliser les services d'organismes de conseil, tend à accréditer les critiques adressées aux appareils de formation, trop souvent incapables d'aider les PME à clarifier leurs objectifs et de bâtir, avec elles, un plan de formation cohérent.

Toutefois, l'examen des pratiques des organismes locaux de formation et de conseil dans les quatre zones d'emploi retenues pour l'étude, montre qu'ils sont en train d'évoluer, que leurs objectifs deviennent plus ambitieux et que l'auto-critique sur leurs attitudes antérieures est assez fréquente, aussi bien parmi les organismes publics que dans le privé ou le semi-public.

On ne discerne pas pour autant une relation étroite entre les conditions objectives qui prévalent dans une zone (caractéristiques du tissu économique en premier lieu) et la rapidité des évolutions constatées. Il y a, semble-t-il, des configurations plus favorables que d'autres mais elles ne sont pas suffisantes pour éviter les blocages. On est donc finalement amené à privilégier, pour expliquer ces mouvements, les capacités internes de chaque organisme et la volonté commune de développer un partenariat local. On se rend compte aussi que les progrès et les actions exemplaires évoqués tout au long de ce rapport sont fragiles, peuvent être remis en cause à tout moment et, qu'inversement, les échecs n'ont rien de définitif. On ne rencontre pas cette impression d'irréversibilité observée lors de l'évaluation d'autres segments de politique (formation initiale notamment).

Cette fragilité des acquis dans l'action auprès des PME renvoie, semble-t-il, à deux types d'insuffisances :

- l'éloignement des pouvoirs publics (services de l'Etat et de la Région) dans ces bassins d’emploi excentrés par rapport à la métropole régionale. C'est particulièrement net pour les FRAC et les EDDF. Leur succès dépend soit de l'initiative directe des entreprises qui comprennent spontanément l'intérêt de ces mesures (il s'agit alors presque toujours de grosses entreprises), soit de l'action des syndicats professionnels et de l'appareil de formation dont on peut se demander parfois s'ils sont très désireux de populariser des mesures qui exigent des transformations de leurs pratiques. On sait bien qu'en disant cela, on s'attaque au principe même du développement de la formation continue des salariés en France, qui a toujours privilégié l'impulsion des partenaires sociaux à l'action administrative. Il n'est, bien sûr, pas question de revenir sur ce principe, mais on peut quand même noter l'intérêt des opérations FRAC-EDDF dans les Ardennes qui, en bousculant les circuits habituels de diffusion de ces mesures, ont eu un effet bénéfique indéniable sur la sensibilisation des PME à la formation. Peut-être suffirait-il de renforcer le rôle d'impulsion des préfectures et des sous-préfectures en leur donnant les moyens de favoriser les actions novatrices et le partenariat entre organismes pour éviter que ne s’instaurent des situations de monopole ou un partage strict du marché de la formation qui desservent, en définitive, les PME.

- Le relatif désintérêt des très grands établissements ayant leur propre centre de formation vis-à-vis du développement de la formation dans l'ensemble du tissu économique. Ces établissements qui, par leur expérience et le volume important des stages qu’ils organisent pour leurs salariés, pourraient avoir un rôle déterminant auprès des organismes locaux et auprès des PME, fonctionnent encore souvent en vase clos. Les formateurs locaux n'y pénètrent pas car ils ne sont pas jugés assez performants (cela commence heureusement à changer) et les salariés des PME environnantes ne profitent guère de leurs stages internes, si l'on excepte les sous-traitants les plus proches.

Il y a bien quand même de nouvelles exigences des entreprises incitant l'appareil de formation à améliorer ses pratiques, mais elles proviennent le plus souvent d'établissements employant quelques centaines de salariés et dont le siège social est extérieur au bassin. Leur rôle peut être alors extrêmement important, comme on l'a vu par exemple avec l'usine Sommer de Mouzon.

Enfin, l'expérience réussie du DPRH à Saint-Nazaire permet de ne pas limiter notre problématique à la seule formation des salariés. L'accumulation de stages pour demandeurs d’emploi en situation difficile qui débouchent rarement sur une élévation significative des qualifications utile à l’économie locale a contribué à rejeter la formation financée par l'Etat du seul côté du traitement social du chômage. Nous avons déjà souligné dans un rapport récent qu’une formule comme le stage de mise à niveau, gérée par l'ANPE, pouvait avoir un rôle important auprès d'entreprises ne parvenant pas à recruter des personnes ayant les qualifications souhaitées. Le DPRH fournit une nouvelle preuve de l'intérêt de la formation des demandeurs d'emploi pour le développement économique local. Il ne s'agit pas d'y faire entrer l'ensemble des demandeurs d'emploi, ni même une proportion élevée d'entre eux, car le niveau de formation initiale et, surtout, la motivation exigés excluent de fait la plupart d'entre eux. Mais le nombre annuel des heures de stage assurées dans la cadre du DPRH (environ 160.000) est loin d'être négligeable par rapport au total des heures de formation financées par les entreprises locales et les formés accèdent souvent à un emploi qualifié dans les PME des secteurs en développement.

Les initiatives de terrain et le partenariat ont permis de renforcer le rôle de la formation continue dans le développement local. Parallèlement, toutes les nouvelles mesures en faveur de la formation des salariés d'entreprise et des demandeurs d'emploi semblent riches d'un fort potentiel si leur mise en œuvre est correctement assurée au niveau local. Encore faut-il lutter contre les blocages institutionnels et contre les arrières pensées de toutes sortes qui n'ont pas disparu, loin de là.


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