Résumé
Les recherches effectuées sur la pauvreté soulignent de façon récurrente la difficulté de compter la population pauvre. Mais au-delà des divergences concernant le chiffre lui-même, ces divers modes de calcul dessinent des contours distincts de la population "pauvre". Ainsi, si pour certaines définitions de la pauvreté, les familles nombreuses ou les ménages habitant en zone rurale représentent une part importante des pauvres, dans d'autres définitions, les familles monoparentales ou les ménages habitant dans les grandes agglomérations se trouveront les plus nombreux en situation de pauvreté. Cette difficulté à cerner la population pauvre a focalisé l'essentiel des analyses sur les problèmes du nombre et des caractéristiques de cette population. Pourtant, son caractère insaisissable, le fait qu'elle varie selon les critères choisis pour la définir nous permet de pressentir son hétérogénéité. Cette hétérogénéité est certes contraire à l'intuition : il nous semble que lorsque l'on dit de quelqu'un qu'il est "pauvre", tout est dit, sur ses conditions de (sur)vie, sur sa consommation, sur ses ressources (faibles) et son équipement (limité). Or, toutes les études auprès des personnes en situation de pauvreté concourent à démontrer que cette homogénéité est fantasmée.
L'approche qui a été retenue dans ce cahier de recherche est de comprendre la signification de la pauvreté pour différentes catégories de populations. Le vécu de la pauvreté, c'est l'hypothèse que nous faisons, n'a en effet pas les mêmes effets, n'est pas soumis aux mêmes problématiques, et finalement n'a donc pas la même signification selon que l'on est jeune ou âgé, avec de nombreux enfants ou vivant seul, vivant à la ville ou en campagne. Il s'agit de comprendre comment, catégorisés identiquement "pauvres", différents type de ménages vivent différemment cette situation.
Après un préambule qui a permis de situer plus précisément cette problématique au sein de la réflexion sur la pauvreté, a été effectuée une approche descriptive et comparative de différentes populations sélectionnées, ainsi que de leur fraction pauvre, dans les domaines des revenus et des conditions de vie. Cette approche a permis de mettre en relief l'hétérogénéité de différentes populations, et la traduction de cette hétérogénéité sur la fraction la plus pauvre de ces populations. La synthèse de ces données, sous forme de régressions logistiques, a permis de distinguer, pour chacune des populations retenues, ce qui, de l'état de pauvreté ou de l'appartenance à un groupe, est le plus influent sur le mode de vie.
Les résultats montrent à quel point la signification et probablement le vécu de la pauvreté, est différente, en fonction du groupe auquel on appartient. De cette distinction émergeront quelques pistes pour favoriser une véritable comparaison inter-catégorielle de la pauvreté.