Résumé
Jusqu’à une époque très récente, les économistes avaient coutume d’analyser les effets de l'éducation sur le bien-être des individus en mesurant le relèvement des profils âge-gains correspondant à un supplément de formation. En admettant que l'utilité des ménages dépend directement et exclusivement de la quantité de biens qu’ils sont capables d’acquérir sur les marchés, cette méthode permet d’estimer l'effet de revenu de l'éducation sur la consommation. Bien entendu, quelques difficultés surgissent de son application, parce que les gains supplémentaires peuvent résulter aussi bien d’un accroissement du taux horaire que d’un allongement de la durée du travail. Cette remarque laisse percevoir, dans le cadre conventionnel de la théorie de l'arbitrage travail-loisir, que l'éducation agit de deux manières complémentaires : en augmentant l'efficacité productive du travail (effet revenu) et en augmentant le prix relatif du loisir et, par conséquent, l’offre de travail (effet substitution). En généralisant ce qui vient d’être dit, on conçoit qu'il faille distinguer ces deux incidences de l’éducation sur la consommation des ménages : l’effet de revenu par lequel la formation détermine la quantité de biens qui peut être consommée par heure de travail et l’effet de substitution par lequel elle détermine, pour un revenu réel donné la structure des temps que les membres de la famille consacrent aux diverses activités de production et de consommation. Comme de nombreuses recherches, auxquelles nous avons contribué en France2, ont déjà été vouées au premier effet, il nous paraît opportun, compte tenu de l'étendue du sujet, de centrer davantage cette étude sur l'effet de substitut don sans pour cela négliger l’effet-revenu.
La théorie du capital humain a fait progresser l'économie de l'éducation de manière considérable en proposant de mesurer les rendements de la formation sur le marché du travail. Mais il n'y a pas de raison de supposer que ceux- ci soient les seuls rendements de cet investissement. Comme le dit Michael, le capital humain présente la caractéristique d’être incorporé dans l'individu et, par conséquent, de l'accompagner dans tous ses déplacements : sur le marché du travail, au théâtre, dans l’isoloir et jusque dans sa cuisine. Aussi n'est-il pas raisonnable de penser que le capital humain affecte la productivité et procure un flux de revenu lors de l'une de ces activités, le travail, sans s'attendre qu'il produise aussi quelque effet sur la productivité d’autres activités”. Cette phrase, écrite en 1972, a sans doute donné le coup d'envoi de recherches consacrées aux effets de l'éducation sur les productions non marchandes et, en particulier, la consommation des ménages. Mais l'origine théorique de ces travaux remonte à quelques années en arrière, et la paternité en incombe surtout à Becker, artisan de la théorie du capital humain (1962) et de la théorie de l'allocation du temps (1965),ainsi qu’à Lancaster, qui a renouvelé la théorie du consommateur en lui faisant franchir un pas considérable (1966], Ces articles ont ouvert la voie à l’économie des comportements familiaux où ont été proposés dans un même cadre conceptuel des explications du travail féminin [Mincer, Gronau,...) de la fécondité (Willis...) de l'éducation des enfants (Lemennicier), de l'héritage [Strauss], du mariage [Becker], etc...