Résumé
Il existe une vieille tradition polémique concernant le bon usage de la charité publique. Chaque époque, chaque nouvelle conjoncture politique ou socio-économique a entendu à la fois des exhortations à la solidarité, et des propos suspicieux sur la valeur de l'aide ainsi accordée. Rien moins tant que le pauvre oisif, le mendiant habile ou l'éternel assisté n'ont suscité d'interrogations sur la paradoxale inadéquation entre l'offre et la demande d'assistance. C'est que le "marché" de l'assistance est de part en part traversé par le souci téléologique. Que ce soit le salut de l'âme individuelle ou celui de la conscience collective, l'assistance doit poursuivre d'autres buts que son seul accomplissement. Certes, avec 1'ère industrielle et la nouvelle pauvreté prolétarienne qui l'accompagne, l'assistance est devenue d'abord activité d'Etat. Fous sommes passé, pour reprendre le titre célèbre de l'ouvrage de H. Hatzfeld, du paupérisme à la sécurité sociale (1). Et le concept d'Etat-providence forgé dans les dernières décennies témoigne du chemin parcouru entre l'obligation morale de faire l'aumône aux nécessiteux et l'impératif politique d’assurer le bien-être au citoyen. Mais toujours, l'idée que certains en bénéficiaient indûment, accompagnait les avatars historiques de l'assistance. La "mentalité d’assisté" a quitté le seul registre des individus pour gagner celui des organisations, voire celui de la société elle-même. L'assistance, désormais affaire de système, admettrait quand même, au sens littéral, des effets pervers.