Résumé
Nous proposons, en premier lieu, une relecture du concept de niveau de vie proposé par Armatya Sen (1987 et suivantes), en rupture avec les évaluations utilitaristes ou welfaristes usuelles en économie. Le niveau de vie est évalué chez Sen par les modes de fonctionnement (functionings) réalisés par les individus : la combinaison variable de ces modes de fonctionnement traduit les potentialités (capabilities) qu'ont les individus de mener un type de vie plutôt qu'un autre. Cette conception du niveau de vie est à rattacher aux développements récents des théories de la justice sociale, qui sous l'impulsion de la Théorie de la justice (1971) de Rawls, insistent sur la pluralité des conceptions du bien que doivent promouvoir les démocraties soumises à l'exigence d'impartialité.
Le concept de niveau de vie de Sen, en ne se restreignant pas à une analyse du revenu ou du patrimoine mais en s'élargissant aux autres dimensions de la vie privée ou sociale des individus : le bien-être physique, la santé, les sentiments de bonheur, le respect de soi, l'insertion dans la vie de la Cité et bien sûr les moyens financiers, permet d'affiner les profils de population et de recentrer l'action sociale de façon plus ciblée.
En second lieu, nous appliquons ce concept à une population de Rmistes. Cette application est faite sur la première vague d'enquête du panel RMI-CRÉDOC qui rassemble des données de 1989. Pour ce faire, nous nous inspirons d'une méthode d'analyse de facteurs déjà utilisée par Van Ootegem et Shokkaert (1990) sur une population de chômeurs belges. Les résultats obtenus montrent que pour une population intégrée au même dispositif institutionnel de lutte contre la pauvreté, les disparités de niveau de vie sont fortes.